25 septembre 2012 2 25 /09 /septembre /2012 13:25

Le Monde.fr | 24.09.2012

442444 image-tiree-d-une-video-montrant-nguyen-van-hai-l-unTrois blogueurs vietnamiens, dont un avait été soutenu publiquement par le président américain Barack Obama, ont été condamnés lundi 24 septembre à des peines de quatre à douze ans de prison pour propagande contre l'Etat par un tribunal d'Hô Chi Minh-Ville.

Le plus célèbre des trois, Nguyen Van Hai, déjà condamné en septembre 2008 à deux ans et demi pour fraude fiscale, a écopé de la plus lourde peine, soit douze ans d'emprisonnement suivis de cinq années d'assignation à résidence. Ta Phong Tan, ancienne policière dont la mère s'était immolée par le feu en juillet, a été condamnée à dix ans de prison et Phan Thanh Hai à quatre ans. Ces deux peines devront être suivies de trois ans de résidence surveillée.

Le trio, qui risquait vingt ans de prison, est accusé d'avoir publié des articles politiques sur le site interdit Club des journalistes libres, et des écrits sur leurs propres blogs dénonçant la corruption, l'injustice et la politique étrangère d'Hanoï.

UN PROCÈS SOUS HAUTE SÉCURITÉ

Le procès a duré quelques heures lundi, sous haute sécurité. Des centaines de policiers encerclaient le bâtiment du tribunal de l'ex-Saïgon. Aucun partisan du trio n'était visible près du tribunal, mais le célèbre blog Dan Lam Bao a affirmé que plusieurs d'entre eux avaient été empêchés de s'approcher de la zone par les forces de sécurité.

Ce blog, que le premier ministre Nguyen Tan Dung a récemment annoncé vouloir punir pour ses propos "calomnieux", a publié des photos de militants portant des pancartes en faveur de la libération des accusés. Il a précisé qu'au moins sept personnes avaient été arrêtées. La police n'a pas fait de commentaire.

Le procès avait été reporté à plusieurs reprises, notamment en août après le suicide de la mère de Tan, qui s'était immolée par le feu devant un bâtiment officiel, pour protester contre la détention de sa fille. Le président américain avait soulevé en mai le cas de Nguyen Van Hai, alias Dieu Cay. "Nous ne devons pas oublier [les journalistes], comme le blogueur Dieu Cay, dont l'arrestation en 2008 a coïncidé avec une vague de répression massive contre le journalisme citoyen au Vietnam", avait-il déclaré.

Des groupes de défense des droits de l'homme, dont Human Rights Watch et Amnesty International, ont demandé à plusieurs reprises au régime communiste de libérer les trois blogueurs.

http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2012/09/24/lourdes-peines-pour-trois-blogueurs-vietnamiens_1764354_3216.html

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15 septembre 2012 6 15 /09 /septembre /2012 14:44

Le Monde.fr | 18.08.2011

Axe maritime majeur et zone riche en ressources énergétiques, la mer de Chine méridionale n'a cessé, ces derniers mois, d'aiguiser les appétits des pays d'Asie du Sud-Est. Au premier rang desquels la Chine, soucieuse de préserver son influence et ses intérêts économiques.

1560671 3 5d30 carte-representant-les-revendications-des-paAnalystes et experts de l'Asie du Sud-Est la qualifient souvent, non sans raisons, de "second golfe Persique". A l'instar de celui-ci, la mer de Chine méridionale, vaste étendue de 3 500 000 kilomètres carrés qui s'étire de Singapour, au sud-ouest, à Taïwan, au nord-est, est devenue une zone hautement géostratégique. D'abord, parce qu'elle représente une artère maritime vitale pour le commerce international : près de soixante-dix mille navires y transitent chaque année, selon les autorités chinoises. Ensuite, parce qu'elle recèlerait de formidables ressources pétrolières et gazières, même si les données sur le sujet sont encore très parcellaires. Cette situation exceptionnelle ne contribue pas à favoriser l'entente entre les pays riverains, dont les appétits énergétiques se sont récemment aiguisés, en même temps que leurs ambitions territoriales.

De fait, les tensions se sont accrues dans la région depuis le printemps. Le 26 mai, à cent kilomètres au large des côtes vietnamiennes, un incident a ainsi opposé un bâtiment chinois et un navire scientifique vietnamien chargé d'effectuer des relevés sismiques. Au passage, le second a subi de graves avaries. Ce face-à-face, reflet d'une poussée de fièvre que d'aucuns considèrent comme la plus inquiétante en vingt ans, n'a pas été sans conséquences. Trois semaines après les faits, le gouvernement d'Hanoï, sous la pression d'une opinion chauffée à blanc et lasse de subir les avanies de son puissant voisin, a procédé à des manœuvres navales. Leur objectif était clairement de réfréner les ardeurs de Pékin. Dans le même temps, les Philippines se sont emparées de l'épisode sino-vietnamien pour jeter l'anathème sur les exigences, à leurs yeux disproportionnées, du gouvernement chinois.

Ce dernier, en effet, ne revendique rien de moins que la totalité de la mer de Chine méridionale. Une posture qui fait grincer des dents les autres pays environnants, et pas seulement le Vietnam. Outre Hanoï, dont les visées incluent à la fois les îles Paracel, au nord, et les îles Spratly, au sud – deux archipels inhabités, mais dont les eaux abriteraient des ressources halieutiques et des hydrocarbures en grande quantité –, d'autres nations réclament leur part du butin dans les Spratly. C'est le cas des Philippines, de la Malaisie et du sultanat de Brunei. Les revendications de l'Indonésie portent quant à elles sur l'île Natuna, plus au sud.

QUERELLE DE NOMS

Cette rivalité latente transparaît jusque dans la dénomination choisie pour évoquer la mer de Chine méridionale. Si la Chine fait régulièrement référence à la "mer du Sud", le Vietnam, lui, parle de "mer Orientale" et les Philippines de "mer des Philippines occidentales". Manille, s'appuyant sur une pétition lancée par sa propre opinion publique, a plaidé pour que soit adoptée l'appellation de "mer d'Asie du Sud-Est", jugée plus neutre. Une requête qui n'a, pour l'heure, trouvé aucun écho favorable. Malgré des heurts qui, par le passé, ont déjà conduit la région au bord du conflit – comme en 1988, lorsqu'un accrochage naval dans les Spratly provoqua la mort de soixante-dix marins vietnamiens –, la Chine, arc-boutée sur un discours ardemment nationaliste, ne veut rien céder de ses prétentions "légitimes".

En mars 2010, signe de son inflexibilité, elle aurait même fait savoir à de hauts responsables américains qu'elle considérait la mer de Chine méridionale comme une question d'intérêt national, au même titre que Taïwan ou le Tibet. A cela plusieurs explications. La première tient à l'histoire : Pékin soutient qu'elle a été la première à découvrir les îles implantées en mer de Chine méridionale, au IIe siècle avant Jésus-Christ, sous la dynastie Han, et que ses pêcheurs en exploitent les ressources depuis plusieurs siècles. La deuxième est économique : aujourd'hui, pas moins de 80 % de ses importations transitent par ces eaux. La troisième, enfin, est d'ordre stratégique. La mer de Chine méridionale représente une sorte de "bouclier naturel" face aux Etats-Unis, l'autre grand acteur majeur du Pacifique.

La Chine s'inquiète en effet de voir son grand rival lui disputer ce qu'elle estime être sa suprématie. "Jusqu'à une période très récente, la Chine s'est maintenue dans l'illusion que, parce qu'ils étaient englués en Irak et en Afghanistan, les Etats-Unis n'avaient plus les moyens d'intervenir dans la région, souligne Valérie Niquet, responsable du pôle Asie à la Fondation pour la recherche stratégique (voir notre entretien). Or, cette mauvaise lecture stratégique se retourne aujourd'hui contre elle, car elle constate avec agacement que, non seulement les Etats-Unis ont la capacité d'être présents sur zone, mais qu'en outre ils ne manquent pas une occasion de rappeler leur volonté de revenir en Asie."

COURSE AUX ARMEMENTS ?

Afin de mieux faire pièce aux aspirations de la Chine, le Vietnam a opté en faveur d'une stratégie d'internationalisation des différends. Quitte à se rapprocher, pour faire avancer sa cause, de son vieil ennemi américain. "Les pays riverains de la Chine méridionale veulent à tout prix éviter de se retrouver seuls face à une puissance chinoise qui représente, non plus une source d'enrichissement économique, mais un motif d'inquiétude stratégique très réel", argumente Valérie Niquet. A l'inverse, Pékin, consciente qu'il est plus difficile de composer avec une opposition solidaire et structurée, s'efforce de promouvoir une approche bilatérale, consistant à négocier directement, et de préférence en coulisses, avec chacune des parties concernées.

Mais existe-t-il seulement une perspective de règlement des contentieux ? Jusqu'à présent, la Chine a soufflé le chaud et le froid. D'un côté, elle a multiplié les gestes apparents de conciliation, comme en témoignent le discours du numéro un, Hu Jintao, sur "l'Asie harmonieuse" ou l'accord trouvé le 20 juillet à Bali (Indonésie) avec l'Asean (Association des nations de l'Asie du Sud-Est) sur une feuille de route visant à promouvoir une "coopération pragmatique" en mer de Chine méridionale. De l'autre, cependant, elle n'a eu de cesse de renforcer sa puissance. Son budget militaire progresse régulièrement – il a atteint 119 milliards de dollars en 2010, ce qui place le pays au deuxième rang mondial derrière les Etats-Unis (698 milliards) – et son premier porte-avions a été mis à l'eau, le 10 août. Autant d'indices qui donnent à penser que la Chine ne va pas de sitôt renoncer à ses ambitions. Au risque de voir s'ouvrir dans la région une course pernicieuse aux armements.

* * *

La mer de Chine méridionale, en quelques chiffres clés (source IRIS)

130 000 km de côtes, dont 2 800 pour la Chine

250 îlots répartis en trois archipels : îles Paracel, îles Spratly et îles Pratas

Deuxième voie maritime mondiale pour le commerce (50 % du tonnage marchand international)

Zone riche en pétrole [7 milliards de barils (réserves prouvées)] et en gaz naturel (réserves estimées à 266 trillions de mètres cubes).

http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2011/08/18/mer-de-chine-meridionale-rivalites-en-eaux-troubles_1560670_3216.html

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10 août 2012 5 10 /08 /août /2012 13:20

Le Monde.fr avec AFP | 09.08.2012

1743962 3 9d99 l-ancienne-base-americaine-de-danang-dans-leAprès des décennies d'attente, les opérations de décontamination de l'agent orange ont officiellement été lancées jeudi 9 août sur l'ancienne base américaine de Danang, dans le centre du Vietnam. Pour la première fois, les Etats-Unis sont directement impliqués dans cette opération de dépollution.

Le lieu, dont les alentours ont été interdits il y a seulement cinq ans, est l'un des trois sites les plus contaminés du pays, avec des concentrations toxiques 400 fois supérieures aux normes acceptables, selon de récentes études. Résultat : cancers, difformités des nourrissons et autres maladies liées à la dioxine sont plus élevés que la moyenne nationale, d'après les associations de victimes.

ENFANTS DIFFORMES ET CANCERS

La décontamination de Danang, d'un budget total de 43 millions de dollars (34,8 millions d'euros) financée en majorité par les Etats-Unis, doit durer quatre ans. Près de 73 000 mètres cubes de terre doivent être extraites de l'aéroport et chauffer à une température élevée jusqu'à ce que la dioxine présente dedans disparaisse. Mais "ce nettoyage arrive trop tard, parce que beaucoup de gens ont déjà été touchés", estime Nguyen Thi Hien, responsable de l'association des victimes vietnamiennes de l'agent orange/dioxine (VAVA) à Danang.

"Il y a toujours de graves conséquences de la dioxine de l'agent orange", a insisté jeudi lors de la cérémonie le vice-ministre de la défense vietnamien, Nguyen Chi Vinh. Quelque 80 millions de litres d'agent orange, ce défoliant contenant de la dioxine, ont été pulvérisés par les Américains pendant la guerre du Vietnam pour détruire la forêt et les cultures utilisées par la guérilla communiste. Un lourd héritage de guerre qui pèse entre les ennemis d'hier.

Hanoi affirme qu'entre 3 et 4 millions de Vietnamiens ont été touchés par les produits chimiques dispersés par les avions américains, et qu'un million d'entre elles souffrent toujours des conséquences. Aux alentours du site de Danang, enfants difformes et grands-pères souffrant de cancers vivent toujours les conséquences toxiques de la guerre.

LES AMÉRICAINS N'ADMETTENT PAS LEUR RESPONSABILITÉ

Les Américains continuent pourtant de contester le lien entre l'exposition au produit et les maladies. Un rapprochement "incertain", a de nouveau souligné le porte-parole de l'ambassade américaine, Christopher Hodges, lors de la cérémonie. Si les vétérans américains ont reçu des milliards de dollars pour des maladies liées à l'agent orange, le gouvernement américain et les fabricants de produits chimiques n'ont jamais admis leur responsabilité. En 2004, un groupe de Vietnamiens avait porté plainte aux Etats-Unis contre des entreprises productrices d'agent orange, mais l'affaire avait abouti à un non-lieu.

Depuis 1989 pourtant, Washington a donné 54 millions de dollars pour aider les Vietnamiens handicapés "quelle que soit la cause". L'enjeu est en effet devenu diplomatique entre ces deux anciens ennemis. Face aux ambitions chinoises en mer de Chine méridionale, Vietnam et Etats-Unis cherchent à resserrer leurs liens.

http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2012/08/09/les-etats-unis-nettoient-un-site-pollue-par-l-agent-orange-au-vietnam_1743951_3216.html

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6 juin 2012 3 06 /06 /juin /2012 13:29

Le Monde.fr | 05.06.2012

1713163 3 14c7 le-secretaire-americain-a-la-defense-leon fcL'étape vietnamienne du secrétaire américain à la défense, Leon Panetta, avant le début de sa visite en Inde, mardi 5 juin, a été riche en symboles. Dimanche, il a été le premier haut responsable américain depuis la fin de la guerre du Vietnam (1964-1975) à se rendre dans la baie de Cam Ranh, où se trouvait la base des forces navales américaines pendant le conflit. Sur le pont d'un bateau civil américain en maintenance, il a souligné le besoin de resserrer les liens militaires avec des pays comme le Vietnam, l'ancien ennemi.

Et lundi, lors d'une cérémonie à Hanoï, il a échangé avec son homologue vietnamien Phung Quang Thanh des "souvenirs" de guerre. Une série de lettres écrites par le sergent américain Steve Flaherty, tué au combat en 1969, qui avaient été récupérées par les Vietnamiens et dont certaines avaient servi à la propagande du régime. "C'est une guerre sale et cruelle, mais je suis sûr que les gens comprendront le but de cette guerre même si beaucoup d'entre nous ne sont pas d'accord", avait écrit le soldat avant d'être tué.Les Américains ont remis, eux, un journal que tenait le soldat Vi Dinh Doan, mort en 1966, récupéré par un de leurs militaires.

STRATÉGIE MILITAIRE AMÉRICAINE

Ce passage au Vietnam de Panetta s'inscrit dans la volonté américaine de redéployer ses forces dans le Pacifique, où la montée en puissance de la Chine inquiète ses voisins. Historiquement, Hanoï a toujours été dans un jeu d'alliances pour contrecarrer l'influence de l'empire voisin. Dans les années de guerre froide, le pays communiste comptait sur le soutien de l'Union soviétique.

Plus récemment, le renouveau de la Chine, deuxième puissance économique mondiale, se traduit par des inquiétudes croissantes sur ses ambitions maritimes en mer de Chine méridionale. Pékin et Hanoï revendiquent tous deux les îles Paracel, prises de force par les Chinois en 1974 après la défaite des Sud-Vietnamiens, et les îles Spratleys.

Les Vietnamiens ont réussi à faire sortir les Etats-Unis de leur neutralité initiale : en juillet 2010, à Hanoï, lors d'une réunion des ministres des affaires étrangères au forum régional de l'Asean, la secrétaire d'Etat Hillary Clinton a souligné que la liberté de navigation constituait une question d'"intérêt national" pour les Etats-Unis, ce qui avait entraîné une réaction virulente de Pékin. Washington prend soin cependant de ne pas désigner la Chine.

A Singapour, samedi, M. Panetta a réaffirmé la volonté de son pays de rééquilibrer ses forces vers l'Asie, tout en affirmant que Washington souhaitait développer une relation "saine, stable, sûre et continue, de militaire à militaire, avec la Chine", et nourrir tous les partenariats noués avec les alliés de la région. Lundi, le porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Liu Weimin, a estimé qu'un renforcement des forces américaines en Asie-Pacifique était "inopportun".

http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2012/06/05/les-etats-unis-et-le-vietnam-resserrent-les-liens_1713151_3216.html

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5 mai 2012 6 05 /05 /mai /2012 14:13

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L'arrêt du dernier réacteur encore actif au Japon a débuté, un peu plus d'un an après l'accident nucléaire de Fukushima qui a forcé les autorités à prendre de nouvelles précautions et oblige le pays à repenser sa politique énergétique pour les prochaines décennies.

Sur un parc de 50 unités, plus aucune ne sera en service à partir de dimanche, la dernière encore en marche, Tomari 3 (nord), étant entrée samedi en processus d'extinction pour maintenance.

De nombreuses autres tranches, arrêtées aussi pour entretien obligatoire après 13 mois de fonctionnement en continu, n'ont pu redémarrer jusqu'à présent: les autorités veulent au préalable leur faire passer des tests de résistance et obtenir l'aval des élus locaux.

Au moment de l'accident de Fukushima, survenu le 11 mars 2011 à la suite du séisme et du tsunami qui ont dévasté le nord-est de l'archipel, 37 réacteurs étaient en fonction, les autres étant alors inactifs, principalement pour maintenance.

Onze unités du nord-est ont été stoppées par la catastrophe, puis deux autres, dans le centre, mises à l'arrêt en raison de faiblesses face aux risques sismiques. Depuis, les dernières ont été suspendues pour respecter les cycles d'entretien.

Mode d'approvisionnement pas satisfaisant

Le gouvernement plaide désormais pour la relance des réacteurs qui ont réussi les examens de résistance aux catastrophes naturelles et répondent aux nouvelles règles, mais les élus locaux, dont l'accord est nécessaire, hésitent à prendre cette responsabilité face à des citoyens méfiants.

Les industriels militent également pour le redémarrage, menaçant sans cela de déplacer des sites de production à l'étranger.

Pour compenser l'absence d'énergie nucléaire, les compagnies d'électricité ont dopé ou remis en marche des centrales thermiques et exigent des sociétés et particuliers une réduction de consommation.

Bien qu'aucune interruption massive de courant n'ait eu lieu jusqu'à présent en dépit de la baisse de production, le mode d'approvisionnement actuel n'est satisfaisant pour personne: ni pour les clients, qui doivent limiter leur activité et risquent de voir les tarifs augmenter, ni pour les compagnies, dont la facture d'hydrocarbures grimpe en flèche, ni pour le pays dont la dépendance énergétique s'accroît vis-à-vis de l'étranger, ni pour la planète du fait d'une augmentation des rejets de dioxyde de carbone (CO2).

Pour autant, le gouvernement est conscient que la politique énergétique antérieure est caduque: elle était basée sur une augmentation de la part du nucléaire à plus de 50% de l'électricité en 2030, contre 30% environ avant le désastre de Fukushima, ce qui est devenu inadmissible pour les citoyens nippons.

Décréter l'abandon de l'atome

Le Premier ministre au moment de l'accident, Naoto Kan, avait carrément plaidé pour l'abandon de l'énergie atomique. Son successeur, Yoshihiko Noda, a juste proposé une réduction de la part du nucléaire, via notamment le non-remplacement des réacteurs en fin de vie.

La population espère en majorité la suppression des centrales atomiques sur le sol japonais, mais seulement une minorité exige un arrêt immédiat. Les plus farouches opposants, parmi lesquels l'écrivain prix Nobel Kenzaburo Oe, tentent de mobiliser afin de forcer les autorités à décréter l'abandon pur et simple de l'atome.

Plus de 5'000 personnes ont ainsi défilé samedi dans le centre de Tokyo en arborant des banderoles proclamant "Adieu, énergie nucléaire !".

"Nous devons agir tout de suite pour que Fukushima soit le dernier accident nucléaire, non seulement au Japon mais dans le monde", a expliqué la dirigeante du Parti social-démocrate, Mizuho Fukushima, pendant la manifestation.

L'ONG Greenpeace presse les autorités de se concentrer sur l'amélioration de l'efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables, qui pourraient figurer en meilleure place dans le nouveau plan énergétique promis par le gouvernement pour cet été.

En attendant, les compagnies d'électricité risquent de souffrir de pénurie lors des pics de consommation estivaux et pourraient devoir programmer des coupures ciblées, afin de réguler la distribution et éviter une panne de grande ampleur.

(afp/Newsnet)

 

http://www.tdg.ch/monde/Le-Japon-arrete-son-dernier-reacteur-nucleaire/story/17937146

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3 février 2012 5 03 /02 /février /2012 20:03

LEMONDE.FR | 03.02.12

Thierry Cruvellier, spécialiste de la justice internationale et auteur de l'ouvrage Le Maître des aveux (Gallimard, 2011), a suivi l'intégralité des procès en première instance et en appel de Kaing Guek Eav, alias "Douch", directeur de la prison de Tuol Sleng (plus connue sous le nom de S21), sous le régime de Pol Pot. Avant l'arrêt rendu vendredi 3 février en appel, il raconte la théâtralité d'un procès où se mêlent moments de tension et surprises, mais aussi la difficulté à faire émerger la vérité dans un cadre judiciaire et solennel.

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Le premier procès de Douch s'était terminé par un coup de théâtre : l'appel de ce dernier, alors qu'il reconnaissait sa responsabilité et les faits reprochés. Comment avait été interprété ce revirement surprise ?

Thierry Cruvellier : L'incident avait été spectaculaire et les raisons du revirement de Douch sont restées mystérieuses. Trois théories ont été données : une première théorie politique a été avancée par l'avocat français de Douch, selon laquelle des personnes haut placées au sein du gouvernement cambodgien auraient lancé un appel du pied. Mais rien dans les faits ne vient étayer cette théorie. Une théorie de la manipulation a été développée par les parties civiles : pour elles, Douch a toujours voulu manipuler le processus judiciaire et n'a fait que révéler son vrai visage en changeant radicalement de position. Selon une troisième interprétation plus pragmatique, Douch, ayant constaté que sa démarche d'aveu et de repentirn'aboutissait à rien, se serait finalement rétracté, en tentant, comme tout prisonnier menacé de finir ses jours en prison, d'échapper à un tel destin. S'il exprime toujours son repentir et ne nie pas les faits, Douch n'est plus aussi déterminé à assumer sa responsabilité.

A S21, Douch était un maître de l'interrogatoire. Mais dans le rôle de l'interrogé, pendant les auditions devant le tribunal, comment était-il ?

D'abord, il faut nuancer : Douch était un maître de l'interrogatoire, mais avec les artifices de la torture et du mensonge. C'est un homme très robuste, d'une grande intelligence, d'une grande capacité psychologique à mesurer ses adversaires et à adapter son comportement, qu'ils soient juges, procureurs ou avocats des parties civiles. C'était un accusé très outillé pour affronter un procès. Bien qu'à quelques occasions, sa carapace se soit fendue, il ne s'est jamais complètement effondré pendant le procès.

Comment se sont passées les confrontations entre Douch et ses victimes, et entre Douch et ses anciens subordonnés ?

C'étaient des moments de grande tension ou de grande émotion, selon les situations. Vis-à-vis de ses subordonnés, on pouvait distinguer ceux pour qui il avait une forme de respect et ceux qu'il méprisait. Il dominait les confrontations avec son personnel, il était en pleine maîtrise. Il y a eu un moment incroyable dans le procès, où l'un des principaux interrogateurs de S21, un autre professeur comme lui, qui n'avait jamais reconnu son rôle dans le fonctionnement de la prison, a complètement craqué face à Douch en pleine audience. Vis-à-vis des familles des parties civiles, c'était variable. Il a pu se montrer arrogant avec certains, mais en général, il essayait de maintenir une position humble et respectueuse. On a même senti sa faiblesse à une occasion. Tout dépend du rapport de force qu'il entretenait avec chacun de ces témoins.

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Entre les deux procès, l'attitude et la ligne de défense de Douch ont-elles évolué ?

Non. On a retrouvé un Douch replié sur lui-même, dans une bulle solitaire, et qui déléguait à ses avocats cambodgiens le soin de plaider des points de contestation juridique. Ce n'était pas un vrai deuxième procès en appel. Tout s'est joué lors d'une audience de trois-quatre jours en mars 2011. Il s'agissait de discuter de problèmes techniques soulevés par le procureur, mais aucun fait du dossier n'a été contesté en appel.

Vous parlez de la difficulté à "démêler la mémoire trompeuse" des témoins, dont les souvenirs, à force d'être ressassés, peuvent être déformés : comment font les hommes et femmes de justice pour démêler ces fils ?

La force et la clarté du procès de Douch par rapport à d'autres procès internationaux (je pense notamment au Rwanda, où l'essentiel de la preuve repose sur des témoignages humains, très fragiles), c'est que les juges de Phnom Penh disposaient de preuves matérielles extrêmement solides. Le grand péché d'orgueil de Douch est d'avoir laissé les archives de sa prison derrière lui. La raison pour laquelle S21 est connue aujourd'hui est que nous avons des milliers de pages d'aveux extorqués aux prisonniers, de photographies, de biographies… Ces documents permettent à eux seuls de constituer le dossier et la réalité du fonctionnement de S21.

En revanche, ce qui a beaucoup fait débat pendant le procès, c'était le rôle et l'implication de Douch dans le fonctionnement de S21. Il a dit qu'il n'était pratiquement jamais dans la prison, qu'il ne s'occupait pas des interrogatoires, que son travail était de contrôler les aveux et de donner les ordres, ce que contestent le procureur et les représentants des victimes. Sur ce point, il fallait confronter la parole de Douch et les documents à la parole d'anciens membres du personnel de S21. Là-dessus, les juges sont laissés à eux-mêmes pour trancher. Sur le jugement en première instance, ils ont préféré, sûrement par précaution, ne pas trop se fier aux témoignages humains et fonder largement leur analyse sur les documents et les rapports d'experts.

Les récits de certains témoins recueillis par le cinéaste Rithy Panh dans ses documentaires (S21, la machine de mort khmère rouge et Douch, le maître des forges de l'enfer) allaient pour certains beaucoup plus loin que leur déposition devant le tribunal. Est-ce que la Cour était un cadre propice à l'émergence de la vérité ?

Qui du cinéma ou du prétoire a révélé le vrai ? C'est extrêmement difficile à dire. Il y a eu des cas fascinants, où on observait un gouffre entre ce qu'avaient dit, il y a quelques années, dans un cadre non judiciaire et devant la caméra, d'anciens membres du personnel à Rithy Panh, et ce qu'ils affirmaient devant les juges, sous serment, avec le risque d'être poursuivis pour ces témoignages. Comment expliquer cet écart ? Est-ce que certains ont été intimidés par la présence de Douch ? Ou est-ce que devant le juge, dans un cadre si solennel, ils se sentaient moins libres d'exagérer ce qu'ils avaient réellement vu ou réellement fait ? Ce sont des moments où l'on mesure l'extraordinaire fragilité des témoignages humains dans un procès.

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Trente mille personnes sont venues assister au procès de Douch et des milliers de parties civiles ont été enregistrées. Y a-t-il eu un intérêt populaire pour ce procès ?

L'existence de la Cour et le procès de Douch ont suscité un vif débat sur la période khmère rouge au Cambodge. Le procès a été largement diffusé à la télévision et, semble-t-il, a été assez suivi. Les ONG, dans un premier temps, puis la Cour, dans un second temps, ont par ailleurs organisé la venue massive de personnes des quatre coins du pays, ce qui leur a permis de dire que l'intérêt était massif. De tous les tribunaux internationaux, celui de Phnom Penh est celui qui avait la plus grande galerie du public, avec cinq cent places. Trente mille personnes assistant à un procès, pour une journée ou une demi-journée, c'est sans précédent. Aucun autre tribunal international n'a eu une telle audience. C'est un vrai succès pour la Cour, mais que celle-ci soit le reflet d'un intérêt populaire, c'est une autre histoire.

Douch était un exécutant extrêmement zélé, mais ce n'était pas une tête pensante du régime. Le procès de trois membres de la direction khmère rouge a commencé il y a quelques mois. Ce deuxième procès aura-t-il plus d'effets ? Ou bien le procès de Douch restera-t-il comme celui qui marquera l'histoire ?

On ignore ce que va donner ce deuxième procès. Sur le fond, il est plus important, parce que les accusés sont trois hauts dirigeants khmers rouges – le chef de l'Etat et deux membres du comité permanent du Parti communiste. C'est un tout autre niveau que celui de Douch, qui n'était "que" commandant de la police secrète.

Mais c'est un procès qui est très morcelé (il est organisé en mini-procès, par crimes commis), qui est incertain, car les accusés sont âgés, et qui donne lieu à une lourde bataille sur le fond, car les accusés ne reconnaissent pas leur responsabilité. En comparaison, le procès Douch est beaucoup plus clair et visible. En étant le premier condamné du régime khmer rouge et parce qu'il a reconnu l'essentiel des faits retenus contre lui, Douch risque de demeurer le symbole judiciaire des crimes commis sous Pol Pot, alors qu'il était un homme de rang intermédiaire.

Propos recueillis par Mathilde Gérard

http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2012/02/03/douch-restera-le-symbole-judiciaire-des-crimes-commis-sous-pol-pot_1637377_3216.html

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3 février 2012 5 03 /02 /février /2012 05:55

LEMONDE.FR avec AFP | 03.02.12 | 06h25

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"Douch, directeur de la prison de Phnom Penh sous le régime cambodgien des Khmers rouges, où 15 000 personnes ont été torturées et exécutées, a été condamné en appel à la perpétuité vendredi 3 février par le tribunal parrainé par les Nations unies dans ce qui est le premier verdict définitif de la juridiction.

L'ex-chef de Tuol Sleng ou S21, la prison centrale de la capitale entre 1975 et 1979, avait été condamné en première instance à trente ans de prison en juillet 2010 pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Mais la chambre de la cour suprême du tribunal a porté cette peine à "la prison à vie" estimant que le premier jugement n'était pas à la hauteur des crimes du tortionnaire, de son vrai nom Kaing Guek Eav, chef d'un établissement dans lequel quelque 15 000 personnes sont mortes."Les crimes de Kaing Guek Eav ont compté indubitablement parmi les pires jamais enregistrés dans l'Histoire. Ils méritent la peine la plus élevée possible", a déclaré Kong Srim, président de la cour. La peine de mort était exclue par le règlement du tribunal.

Douch, 69 ans, vêtu d'une chemise blanche et d'un blouson crème, n'a prononcé aucune parole ni montré aucune émotion à l'énoncé de la sentence. Il s'est levé, a salué la cour dans la tradition cambodgienne, les deux mains jointes devant le visage. Puis a été emmené dans la cellule attenante à la cour, en banlieue de Phnom Penh, où ses juges ont décidé qu'il devrait finir ses jours.

Ce verdict était celui réclamé par les parties civiles du procès, les rares survivants de S21 et les familles des victimes. La peine de trente ans en première instance lui aurait permis de sortir dans dix-huit ans en tenant compte des années déjà effectuées en détention. Une hypothèse insupportable pour eux. Douch est le premier Khmer rouge jugé par ce tribunal hybride, mis en place en 2006 au terme d'années de négociations entre le régime de Phnom Penh et la communauté internationale.

Après des années passées à se cacher, l'ex-professeur de mathématiques avait été retrouvé en 1999 par un photographe irlandais alors qu'il travaillait pour une organisation non gouvernementale chrétienne. Devant ses juges, lors du premier procès, il avait longuement expliqué la signification des tombereaux de documents et archives découverts dans la prison à la chute du régime. Parmi eux figuraient la compilation des aveux parfois délirants des suppliciés, témoignant plus aujourd'hui de la paranoïa du système que d'un hypothétique complot contre lui. Mais l'accusé avait ensuite abandonné cette stratégie d'aveux et de coopération avec la justice, congédiant son avocat français et réclamant sa libération.

L'énoncé du verdict a été suivi par des centaines de Cambodgiens dans la salle d'audience, dans la banlieue de Phnom Penh. Et par des milliers d'autres suspendus à leur télévision dans un pays où cette période de l'Histoire, qui n'a épargné aucune famille, est longtemps restée taboue. Un second procès, qui juge les trois plus hautes personnalités du régime encore en vie, toutes octogénaires, a débuté fin 2011. Il a été découpé en segments distincts, dans l'espoir d'arriver à un premier verdict avant que les accusés, qui plaident non coupables, n'emportent leur sombre vérité dans leur tombe".

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17 janvier 2012 2 17 /01 /janvier /2012 17:52

INTERVIEW - Libération.fr - L’opposante birmane Aung San Suu Kyi évoque la démocratisation du pays et n’exclut pas de devenir ministre.

  "L’enceinte de la célèbre maison coloniale du 54, University Avenue à Rangoun a été refaite à neuf. C’est là, dans ce qui ressemble de plus en plus à un bâtiment officiel où se succèdent les délégations, qu’Aung San Suu Kyi a répondu hier aux questions d’un groupe de journalistes, dont Libération, au moment où le régime civil annonce des réformes sans précédent, comme la libération, vendredi, de plusieurs centaines de prisonniers politiques. A 66 ans, l’opposante birmane estime que sa candidature aux législatives partielles d’avril est le «début» de sa vie politique et n’exclut pas de devenir ministre.
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Pourquoi ces changements interviennent-ils maintenant ?
Ils ont beaucoup à voir avec le président Thein Sein et les autres réformateurs au gouvernement, qui se sont rendu compte qu’il y avait un besoin de changement en Birmanie. L’arrivée du Président au pouvoir [en mars, ndlr] a été l’occasion pour ces dirigeants de défendre les réformes qu’ils souhaitaient réaliser depuis quelque temps. Le désespoir des gens qui se battent au quotidien et qui ont envie de vivre comme des êtres humains a été également une des grandes forces pour un changement dans ce pays.

Ce processus de réformes est-il irrévocable ?
Non, pas encore. Je ne pense pas que nous soyons hors de danger. Nous avons besoin de changements supplémentaires. Je n’utiliserai pas le mot irréversible, parce que rien n’est irréversible.

Quel nouveau geste attendez-vous de Thein Sein ?
Pour le moment, la priorité est de se concentrer sur la paix pour les nationalités ethniques. Nous devons trouver une solution politique à tous ces conflits pour solidifier notre unité, et ne pas nous contenter d’un simple cessez-le-feu.

Faites-vous confiance au Président ?
Je suis convaincue qu’il est sincère, mais je ne mesure pas le soutien dont il bénéficie au sein du gouvernement.

Que vous a dit le président Thein Sein pour que vous lui accordiez désormais votre crédit ?
Nous avons eu une discussion très franche, notamment pour lui faire comprendre qu’il pouvait être difficile pour la Ligue nationale pour la démocratie [LND, le parti d’Aung San Suu Kyi] de coopérer à un processus de démocratisation sans être autorisée. Je lui fais confiance, car il a tenu sa promesse et rendu possible un nouvel enregistrement de notre formation. Nous ne l’avions pas fait pour les élections de 2010, car il y avait plusieurs points de la loi électorale d’alors qui étaient inacceptables.

Pourquoi avez-vous décidé d’être candidate aux élections partielles d’avril ?
Lorsque l’on vit dans une démocratie parlementaire, et c’est le seul type de démocratie possible aujourd’hui, vous devez siéger au Parlement. Je souhaite également travailler avec d’autres parlementaires, y compris ceux des forces armées.

Ces élections seront-elles libres et loyales ?
Oui, je le crois. Il n’y a que 48 circonscriptions à pourvoir dans ces élections. Nous pourrons donc contrôler de près les conditions de vote avec les membres de la LND, les médias et les corps diplomatiques. Et si ce scrutin ne devait pas être libre et loyal, nous le ferions savoir au monde entier.

Au lieu de siéger au Parlement, n’auriez-vous pas plus d’influence en devenant une sorte de conseillère, de femme d’Etat ?
C’est un point de vue très dangereux de croire qu’un politique est trop haut placé pour démarrer à la base de la démocratie parlementaire. Nous devons tous commencer avec au moins le sens de l’humilité si nous voulons bien faire les choses.

 

Travailler et négocier avec les militaires n’est-il pas un jeu risqué ? 

Je ne crois pas du tout qu’il s’agisse d’un jeu, mais plutôt une tâche difficile. Car nous sommes encore en train d’essayer de nous comprendre. Les forces armées ne peuvent pas rester séparées du reste du pays. Elles sont toujours un acteur puissant et c’est pourquoi il est important d’obtenir leur coopération pour parvenir à une vraie démocratisation.

Quel sera le programme électoral de la LND ?
Nous ferons campagne sur la résolution des problèmes avec les ethnies nationales, l’Etat de droit et le nécessaire amendement de la Constitution de 2008. Cela doit s’accompagner de grandes mesures sociales et économiques pour sortir le plus de gens possible de la pauvreté. Nous proposerons notamment des solutions de microcrédit.

Est-il temps de lever les sanctions internationales à l’encontre de la Birmanie ?
Je souscris à l’idée que les sanctions doivent être levées étape par étape, en suivant de près les progrès en cours à l’intérieur du pays.

La Birmanie en a-t-elle fini avec le généralissime Than Shwe, l’ancien homme fort du pays ?
Je crois qu’il ne participe plus à la vie quotidienne du gouvernement, mais je ne peux pas mesurer l’influence qu’il peut avoir sur ses membres. L’armée doit fermement soutenir le processus de démocratisation. Il y a toujours un risque de coup militaire, mais les forces armées doivent être conscientes que nous ne voulons en aucune façon un conflit entre l’armée et le peuple".


http://www.liberation.fr/monde/01012383571-nous-ne-sommes-pas-hors-de-danger

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17 janvier 2012 2 17 /01 /janvier /2012 17:41

tun-mahathirPar Mohamad Mahatir, ancien premier ministre de Malaisie, Le Monde, 17 janvier 2011.

"Selon un dicton malaisien : "Lorsqu'on perd son chemin, il faut revenir en arrière et repartir de zéro." J'ai l'impression que tout le monde s'est égaré en essayant de trouver une solution à la crise financière, et l'Occident en particulier a besoin de repenser certains fondamentaux. Le monde reste eurocentré : la façon dont l'Europe gère la crise financière a une résonance globale.

J'ai cependant des doutes sérieux quant à l'"infaillibilité" des Européens. Je n'aime pas leur politique du deux poids deux mesures. Plusieurs siècles d'hégémonie les ont convaincus que l'Europe sait ce qui est bon pour tout le monde : les valeurs européennes sont considérées par eux comme universelles ; les valeurs asiatiques, elles, seraient "non pertinentes". Cela explique les solutions simplistes que les dirigeants des pays d'Asie du Sud-Est se sont vu proposer lorsque les cambistes les ont appauvris. On a conseillé à la Malaisie d'augmenter ses taux d'intérêt, de maintenir un budget excédentaire, de laisser les banques et les entreprises en difficulté faire faillite, etc.

C'était la solution à tout. Pourtant, lorsque les Etats-Unis et l'Europe se sont heurtés à leur propre crise financière, ils ont adopté toutes les mesures qu'ils avaient déconseillées à la Malaisie comme à l'Asie du Sud-Est. Ce qui a marché en Asie ne fonctionnera pas en Occident.

Pendant près de deux siècles, le "grand récit" du capitalisme était clair et univoque en Europe. Les produits manufacturés européens ont saturé les marchés mondiaux, l'Europe a dominé le commerce mondial et les Européens ont joui des plus forts niveaux de vie au monde. Cette croissance aurait pu se prolonger, si le Japon d'après-guerre n'avait commencé à conquérir des parts de marché grâce à des produits à bas coûts et de bonne qualité, très vite suivi par Taïwan, la Corée du Sud puis la Chine.

Dans l'incapacité de faire face à la nouvelle concurrence, les Européens, mais surtout les Américains, ont fait le choix de la financiarisation de l'économie. Ils ont inventé des produits financiers inédits comme les ventes à découvert d'actions et de monnaies de change, les crédits à risque, la titrisation, les investissements à effet de levier au travers de fonds spéculatifs, et une multitude d'autres produits leur permettant de continuer à croître et à prospérer. Mais la finance de marché ne génère aucune croissance réelle et crée peu d'emplois. Devenus trop gourmands, les spéculateurs ont abusé du système en manipulant le marché afin de générer des profits de plus en plus importants.

En 2008, la bulle a éclaté et les banques, les compagnies d'assurances, les fonds d'investissement et même certains pays firent faillite. S'il n'avait pas été la devise de référence pour les transactions internationales, le dollar se serait effondré.

Comme les pays de l'Asie du Sud-Est il y a quelques années, ceux d'Europe et d'Amérique sont appauvris. Parce qu'ils refusent cet état de fait, les Européens et les Américains rejettent les mesures d'austérité, ils manifestent et organisent des grèves, ce qui ne fait qu'empirer les choses.

Les pays asiatiques ont un autre comportement. Quand ils sont devenus pauvres à la suite de la dévaluation de leur monnaie, ils se sont mis à vivre selon leurs moyens. Certains ont fait appel aux institutions financières internationales mais la Malaisie a fixé le taux de change et fait en sorte que les négociants en devises ne puissent toucher au ringgit (monnaie malaisienne). Les observateurs ont prédit la fin de notre économie et de notre accès au crédit. Bien au contraire, la Malaisie a été la plus rapide à se relever de la crise.

Dans les autres pays d'Asie du Sud-Est, les populations ont donné leur argent et leurs bijoux pour que les gouvernements réduisent l'endettement public. Les salariés ont travaillé davantage et accepté des niveaux de vie inférieurs. Pour mettre fin à la crise financière, les Européens doivent admettre qu'ils sont désormais pauvres.

Puis ils doivent se remettre à faire ce qu'ils faisaient auparavant : produire des biens et vendre des services. Salaires, bonus et autres incitations doivent être diminués afin de devenir compétitifs. Le marché financier doit être encadré et contrôlé par l'Etat. De nombreux produits financiers doivent être régulés, voire interdits.

Le monde a besoin d'un nouveau Bretton Woods reposant sur une juste représentation des pays pauvres et d'un étalon or servant de référence à une monnaie de change internationale. Le système financier doit être standardisé afin de venir en soutien de l'économie réelle. Les jours de l'eurocentrisme sont comptés".

Traduit de l'anglais par Florent Joly

http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/01/17/l-occident-doit-imiter-l-asie_1630758_3232.html


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14 janvier 2012 6 14 /01 /janvier /2012 12:39

Par Antoine CLAPIK, Le Monde, 13 janvier 2012.

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"En un demi-siècle de pouvoir militaire, ce n'est pas la première fois que le régime birman relâche son contrôle et propose une voie vers la "démocratisation". Mais c'est la première fois qu'il multiplie à ce point les promesses de libéralisation du système et annonce, à un rythme soutenu, un tel train de réformes économiques et politiques.
Jeudi soir 12 janvier, le pouvoir a décrété une troisième amnistie depuis octobre, qui concerne quelque 650 prisonniers, en particulier des chefs de la révolte étudiante de 1988, comme Min Ko Naing, et l'ancien premier ministre Khin Nyunt. Plusieurs dissidents avaient déjà rejoint leurs domiciles vendredi. Cette libération de figures de la dissidence, réclamée par les pays occidentaux, a été saluée par la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de l'opposante Aung San Suu Kyi, qui a évoqué un "signe positif".
Après la répression de 1988, qui fit plusieurs milliers de morts, les dirigeants de l'époque avaient ensuite, formellement, ouvert le jeu en annonçant des élections générales en 1990. Mauvais calcul : le LND l'avait remporté haut la main. Une victoire tellement nette, dans le cadre d'élections étonnamment libres, que la junte, sonnée par un raz de marée pourtant prévisible, en ignora les résultats. La Birmanie replongea pour deux décennies dans l'absolutisme militaire.
Il y a un paradoxe de la dictature birmane : les généraux ont toujours souhaité "légaliser" leur pouvoir, quel qu'ait été le caractère totalitaire de leur emprise sur le peuple et la sphère économico-politique. Ce qui est en train de se passer a ainsi été voulu par l'ancien chef de la junte, le généralissime Tan Shwe, qui a annoncé sa retraite au printemps 2011.
La "feuille de route" vers une "démocratie disciplinée", qui a débouché, en 2008, sur l'élaboration d'une nouvelle Constitution - permettant à l'armée de conserver un pouvoir énorme - et, en 2010, sur la tenue d'élections - largement truquées -, a ainsi été le fruit de la volonté du vieux tyran.
Le fait que l'émanation politique des militaires, le Parti pour l'union, la solidarité et le développement (PUSD), ait remporté 80 % des sièges durant cette farce électorale n'augurait rien de bon. D'autant que l'actuel président du nouveau gouvernement "civil", Thein Sein, est l'ancien premier ministre de la junte dissoute au printemps et que l'écrasante majorité de ses ministres sont des galonnés ayant retiré leur uniforme...
La vitesse à laquelle les caciques d'un régime désormais "post-dictatorial" ont multiplié les annonces incarnant l'ouverture a donc surpris la plupart des observateurs. Certes, les avancées "démocratiques" restent timides. La censure s'est assouplie mais perdure. La presse jouit d'une marge de manoeuvre sans précédent, mais reste sous contrôle. Une loi sur la "liberté de protester" a été votée mais les opposants remarquent que, lorsqu'ils font une demande de manifester pacifiquement, elle ne leur est pas accordée. Quant à la libéralisation de l'économie qui devrait moderniser un système bancaire archaïque, on n'en est qu'aux balbutiements.
Sans parler des violents accrochages qui continuent entre les militaires et certains groupes armés de minorités ethniques. L'évolution vers une fédération qui garantirait à ces dernières un minimum d'autonomie dans la conduite de leurs affaires est un chemin difficile. Même si les appels à la négociation lancés par le président ont été entendus par certaines guérillas qui ont récemment accepté une sorte de "paix des braves".
Reste que ce qui est en train de se passer au Myanmar, nom officiel du pays, est pour le moins déroutant, compte tenu de la nature du régime (issu du coup d'Etat militaire de 1962). Au point que l'on peut se demander si le processus en cours ne va pas au-delà de ce qu'aurait voulu un pouvoir avant tout soucieux d'assurer une transition prudente et limitée, garantie de sa survie politique.
Les généraux ont-ils enclenché un processus qui risque de leur échapper ? Un coup d'Etat interne pourrait-il être organisé par le clan des "durs" ? Certains hauts responsables peuvent estimer qu'ils ont tout à perdre dans ce scénario qui devrait logiquement mettre fin à un système prédateur dont ils étaient les bénéficiaires.
Il apparaît cependant que le "triumvirat" formé par le président Thein Sein, le "speaker" de la chambre basse du Parlement, Thura Shwe Man, et le chef de l'armée, le général Min Aung Hlaing, a désormais la main. Mais rien n'est joué : changer un système xénophobe, introverti et dépendant d'équilibres claniques et familiaux n'est pas une mince affaire.
Selon une source très au fait des affaires birmanes qui réside à Rangoun, l'explication classique d'un clivage entre "durs" et "modérés" n'est pas forcément pertinente. La soixantaine de responsables qui constituent le noyau du régime pourrait se diviser en trois clans : le premier rassemblerait une vingtaine de "vrais" réformateurs. D'autres personnalités (une dizaine) seraient hostiles à une démocratisation trop rapide. Enfin, une trentaine d'autres incarnerait le camp des hésitants qui observent vers où tourne le vent de liberté en train de souffler sur le delta de l'Irrawady.
Mais alors que l'ancien régime n'avait qu'une seule obsession, la stabilité, le nouveau dessine un paysage plus complexe où chacun joue à "plus réformiste que moi, tu meurs", sourit le même observateur. Un cercle vertueux où plusieurs caciques jouent la carte du parlementarisme pour exister dans un cadre plus compétitif. Il y aurait, dans ce cas de figure-là, des clans qui défendent des positions plus pragmatiques que d'autres.
Longtemps placée en résidence surveillée par le régime, Aung San Suu Kyi, qui devrait être élue député de la Chambre basse du Parlement à l'issue d'élections partielles prévues le 1er avril, a choisi de croire en la sincérité du président Thein Sein. Elle se dit "prudemment optimiste". Le 8 janvier, un conseiller du chef de l'Etat a même déclaré qu'elle pourrait être amenée à "exercer des fonctions gouvernementales" dans un proche avenir !
Sans garantie que les militaires passeront la main pour de bon, la Prix Nobel de la paix 1991 ne s'engage-t-elle pas trop loin ? Certains experts, comme René Egreteau, estiment que l'armée pourrait "se maintenir au premier plan politique et socio-économique dans les deux décennies à venir"..."

http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2012/01/13/le-pouvoir-birman-multiplie-les-ouvertures_1629329_3216.html

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