18 mars 2015 3 18 /03 /mars /2015 20:33

Le Monde, 19 mars 2015

Après Shanghaï en 2013, le gouvernement chinois poursuit son ouverture à destination des entreprises étrangères et annonce l'ouverture de trois nouveaux espaces de libre-échange

Dossiers en main, Cao Zhenfeng est à l'affût dans la grande salle d'enregistrement des entreprises de la zone franche de Shanghaï. Dès qu'un homme d'affaires, chinois ou étranger, franchit la porte et s'approche d'un des guichets, il lui propose de l'accompagner dans ses démarches. Contre rémunération, bien sûr. Il estime avoir ainsi aidé 600 entreprises à s'implanter dans cette zone de l'est de Shanghaï depuis son inauguration, à la fin septembre 2013.

Le gouvernement chinois s'apprête aujourd'hui à élargir l'expérience. Une zone similaire devait être inaugurée, mercredi 18 mars, sur le delta de la rivière des Perles, qui fait face à Hongkong. Elle se focalisera sur les échanges avec l'ancienne colonie britannique. Une autre verra le jour sous peu dans la province du Fujian (sud-est) et sera consacrée au commerce avec l'île voisine de Taïwan. Une quatrième sera créée à Tianjin (nord-est), le grand port proche de Pékin, avec un accent mis sur la logistique et les industries à forte valeur ajoutée. Quant à la zone de Shanghaï, initialement développée autour des infrastructures de trois ports et de l'aéroport international, elle englobera désormais également le centre des affaires de Lujiazui, ainsi qu'un nouveau quartier de la métropole et une zone industrielle orientée high-tech. Elle s'étendra alors sur 120 km2 (contre 29 km2 jusqu'à présent) sur la moitié est de Shanghaï.

La République populaire entend ainsi réitérer sa volonté de réforme, et ce, alors que le bilan de la zone de Shanghaï, un an et demi après son lancement, demeure controversé. L'afflux d'entreprises a bien eu lieu. A l'issue de la première année, 12 000 sociétés – dont 1 677 étrangères – s'étaient enregistrées dans cet espace. L'agent Cao Zhenfeng constate que cette ruée a surtout eu lieu dans les premiers mois. Il avait alors 70 concurrents qui, comme lui, offraient leurs services d'intermédiaires à des entreprises peinant à comprendre tant les bénéfices potentiels de cette zone pour leur propre activité que les démarches à entreprendre. Une trentaine d'agents exercent encore. " Aujourd'hui, il y a moins de nouvelles entreprises qui s'inscrivent, c'est un choix plus rationnel, elles viennent si elles y voient un intérêt concret ", constate M. Cao. A l'époque, de nombreuses compagnies ont afflué d'abord pour être présentes, et voir ensuite. Certaines se sont ruées sur les baux des entrepôts, convaincues que leur valeur grimperait rapidement, quitte à en laisser des dizaines de milliers de mètres carrés vides.

Déception des étrangers

Du côté des entreprises étrangères notamment, une déception palpable s'est fait sentir. Dans son dernier rapport sur le climat des affaires, la Chambre de commerce américaine en Chine relève que 73 % de ses membres ne trouvent pas de bénéfice tangible à la zone. Certaines améliorations sont pourtant évidentes. " Les douanes font désormais preuve de souplesse, les délais ont été raccourcis, passant d'une semaine ouvrée en moyenne à deux, voire trois jours ", relève Benoît Honnart, directeur de Celtic China Group, une compagnie de logistique, au sujet des déclarations à l'entrée sur le territoire.

Des avancées concrètes ont été annoncées dans plusieurs secteurs. Après treize années d'interdiction, les consoles de jeux vidéo ont fait leur entrée en Chine via la zone pilote. Les agences de voyage étrangères, jusqu'alors interdites, peuvent désormais proposer aux Chinois des séjours à l'étranger, à condition toutefois de s'adosser à un partenaire local. Et il y a d'autres exemples. " On parle quand même là de secteurs très spécifiques ", tempère l'avocate Anne Séverin, représentante du cabinet DS à Shanghaï, et qui anime le groupe de travail sur la zone franche parmi les conseillers du commerce extérieur.

Les attentes étaient toutefois bien plus fortes. Pékin avait promis une nouvelle ère de réformes, grâce à un fonctionnement par " liste négative ", autorisant les investissements étrangers dans tous les secteurs où ils ne seraient pas explicitement restreints. Or cette liste très attendue comportait 190 domaines interdits dans sa première version, à l'automne 2013, et en compte encore 139 aujourd'hui. A ces éléments s'est ajouté le licenciement, en septembre 2014, du sous-directeur de la zone, Dai Haibo. Son placement sous enquête pour " grave violation de la discipline, synonyme de corruption ", a finalement été annoncé mardi 17 mars.

La crainte des capitaux spéculatifs

C'est surtout dans le domaine de la finance que le gouvernement chinois était attendu au tournant. Car la zone franche est présentée comme un test pour l'ouverture du compte de capital de la Chine. Jusqu'à présent, l'Etat-Parti et la banque centrale qu'il contrôle autorisent le change pour des transactions commerciales, c'est-à-dire le paiement de fournisseurs, ce qui permet à la République populaire d'être le premier exportateur de la planète. Il restreint en revanche très fortement les flux de capitaux. Les individus ne peuvent en principe sortir que l'équivalent de 50 000 dollars (un peu plus de 47 000 euros) du pays par an, tandis que les entreprises doivent obtenir une autorisation gouvernementale pour investir hors du pays.

Le gouverneur de la banque centrale, Zhou Xiaochuan, a déjà fait savoir que l'échéance de 2020 a été fixée pour une pleine convertibilité de la monnaie chinoise. Mais le pays craint l'afflux de capitaux spéculatifs s'il ouvre les vannes trop vite. Ce à quoi s'ajoute un intense lobbying de la part des banques chinoises, majoritairement sous contrôle du gouvernement, qui risquent la concurrence de capitaux de banques étrangères et d'institutions privées chinoises. Ces banquiers, s'ils font mine d'être en accord avec les priorités des dirigeants politiques, voient bien la perte de monopole qui les attend. " Dès qu'on leur dit que l'heure de la réforme financière est venue, ils répondent oui pour la forme mais s'y opposent en réalité ", explique le professeur Chen Bo, à la tête du centre de recherche sur la zone franche créé à l'Université de finance et d'économie de Shanghaï.

Le but premier de la zone de Shanghaï est de permettre à la Chine d'expérimenter cette ouverture financière dans un laboratoire clos, avant d'élargir l'expérience puis de la généraliser, de la même façon que l'ouverture d'une zone économique spéciale en 1980 à Shenzhen avait permis de tester sur un territoire restreint les usines à destination de l'exportation. Mais cette expérience est-elle applicable à la finance ? Selon Chen Bo, le peu d'annonces significatives dans le secteur financier est lié au fait que le gouvernement a depuis fait un constat : " Il est aisé de bâtir un mur lorsqu'il s'agit de matériaux mais il n'en va pas de même pour des capitaux, pour lesquels il est impossible de garantir l'étanchéité, l'absence d'impact de l'autre côté. "

Pour débloquer la situation, le premier ministre, Li Keqiang, a assuré aux officiels de Shanghaï à l'issue d'une inspection de terrain, le 19 septembre 2014, qu'il tolérerait une " fuite ", un écoulement de ces capitaux au reste de la Chine, dès lors que celle-ci resterait limitée et maîtrisée. Une ligne téléphonique directe a été établie entre le vice-premier ministre, Wang Yang, et la direction de la zone à Shanghaï, afin de passer outre les réticences au sein de l'administration.

En février 2015, le régulateur a donc enfin pu annoncer qu'il permettait aux entreprises implantées dans la zone d'emprunter à l'étranger jusqu'au double de leur capital enregistré sur place. Mais des incertitudes planent encore quant à la possibilité ou non pour ces entreprises d'utiliser les fonds ailleurs en Chine, et le montant de ces flux demeure limité. De sorte que l'on reste loin de la pleine ouverture annoncée initialement par les autorités.

Alors que le gouvernement avait promis des réformes éclair, des voix déçues se sont fait entendre. " C'est assez rapide ", leur répond toutefois Carmen Ling, la directrice des solutions RMB de la banque Standard Chartered. L'ouverture des comptes de capitaux aux entreprises étrangères est notamment une " véritable avancée " à ses yeux. Elle constate que la Chine crée déjà de nouvelles zones pilotes seulement un an et demi après l'inauguration de Shanghaï. " C'est un processus qui se fera pas à pas,argue Mme Ling, mais c'est une tendance irréversible. "

Les entreprises chinoises, elles, n'ont pas perdu de temps pour mettre à profit cette précieuse opportunité dans leur internationalisation. Il leur suffit désormais de s'enregistrer, en seulement cinq jours ouvrables, pour pouvoir à l'avenir investir à l'étranger sans attendre un feu vert préalable de Pékin, un réel progrès en comparaison des approbations qu'elles devaient obtenir sur chaque opération par le passé. C'est en s'appuyant sur ce mécanisme que le fonds Hony, présidé par le fondateur des ordinateurs Lenovo, a racheté en juillet 2014 la chaîne de restauration britannique Pizza Express. Une opération à 900 millions de livres (1 249 millions d'euros).

Harold Thibault

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7 mars 2015 6 07 /03 /mars /2015 09:37

AFP 7 mars 2015

Un documentaire vidéo incisif sur la pollution atmosphérique en Chine, qui a connu un succès fulgurant dès sa sortie samedi dernier, avec plus de 155 millions de vues pendant le week-end, a été retiré samedi par les autorités des principaux sites chinois.

Sous le dôme, documentaire réalisé à titre privé par l'ancienne présentatrice vedette de la télévision d'État Chai Jing n'était plus disponible samedi après-midi sur les principaux sites chinois de vidéo, dont les plus connus, Youku et iQiyi. Il était toujours visible sur YouTube , sous-titré en Français, mais dont l'accès est bloqué en Chine.

Le documentaire de 103 minutes détaille avec force pédagogie et entretiens percutants les causes et conséquences de l'épais smog brunâtre qui embrume de façon endémique les métropoles chinoises, et dénonce l'attitude négligente des autorités sur ce sujet.

Il a non seulement été vu par 155 millions de personnes, soit un Chinois sur neuf, dans les premières 24 heures suivant sa sortie, mais également largement commenté pendant toute la semaine aussi bien sur les réseaux sociaux que dans les médias officiels.

Pas de débat public

Le nouveau ministre de la Protection de l'environnement, Chen Jining, en avait même fait des compliments, et avait espéré que le succès de ce documentaire allait "encourager les gens à faire des efforts pour améliorer la qualité de l'air".

Son interdiction ce week-end est une nouvelle preuve de la réticence du Parti communiste au pouvoir devant tout débat public sur ce point. Elle intervient également alors que se tient à Pékin la session plénière annuelle de l'Assemblée nationale du peuple, le parlement chinois - sous un ciel blanchâtre et dans un air de très mauvaise qualité, selon les données publiées par l'ambassade américaine.

Sur les réseaux sociaux, les internautes critiquaient samedi le blocage de la vidéo. "Quand ce pays se décidera-t-il à faire face aux critiques se son propre peuple ?" lançait un internaute.

La pollution des grandes villes chinoises, due principalement aux centrales au charbon, à l'industrie et à la circulation automobile, est un des principaux sujets de mécontentement de la population, ce qui a poussé le gouvernement à déclarer récemment "la guerre à la pollution", promettant notamment de diminuer la proportion des combustibles fossiles dans la production d'énergie.

http://www.lepoint.fr/automobile/actualites/pollution-le-documentaire-qui-derange-la-chine-07-03-2015-1910959_683.php

 

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1 février 2015 7 01 /02 /février /2015 09:48

Voici un article très approfondi sur la stratégie chinoise d'implantation en Afrique, écrit par Chris ALDEN et Ana Christina ALVES sur le site www.cairn.info

Les trente années de croissance ininterrompue qui ont fait de la Chine, jadis économiquement arriérée, la troisième économie mondiale, ont induit une augmentation continue de la demande d’énergie et de nouveaux marchés.

La nouvelle stratégie gouvernementale de « going out », par laquelle, au final, plus d’une centaine d’entreprises publiques ont bénéficié des moyens légaux et administratifs, des accès privilégiés au financement et du soutien diplomatique nécessaires à la pénétration de marchés extérieurs à la Chine, a constitué la réponse politique majeure à ces besoins. Le pays s’est imposé dès 2006 comme le plus grand détenteur mondial de capital, avec plus de deux trillions de dollars US de réserves étrangères. L’utilisation de telles ressources financières pour se positionner sur les marchés de l’énergie et des minerais stratégiques dans un environnement africain dramatiquement en manque de capitaux n’a pas rencontré de grande difficulté. Le gouvernement chinois n’a pas hésité à assortir d’offres visant à satisfaire les besoins définis par l’élite tout accord d’approvisionnement ou de concession d’exploitation, depuis le palais présidentiel jusqu’au projet d’infrastructure de grande envergure, ce qui s’est avéré crucial pour emporter des marchés en Afrique. Enfin, et cela sous-tend toute cette approche, le gouvernement chinois a fait largement savoir qu’il ne s’immiscerait en rien dans les affaires intérieures des gouvernements africains, et ce par opposition à l’Europe et aux Etats-Unis qui ont tous deux soumis à conditions leurs programmes d’aide au développement et même certains investissements. Le succès de la diplomatie chinoise en Afrique se mesure à la présence de la Chine dans la plupart des grandes économies de ce secteur des ressources naturelles : absente du marché des ressources en 1995, la Chine jouit aujourd’hui d’un statut d’acteur majeur, fort de ses concessions pétrolières, de l’Angola au Soudan, et minières, de la République démocratique du Congo (RDC) à l’Afrique du Sud. Son commerce bilatéral avec l’Afrique, qui a atteint 72 milliards de dollars US en 2007, et dépassé 108 milliards de dollars US en 2008, est essentiellement basé sur l’extraction du pétrole, des minerais stratégiques et de quelques matières premières en échange de produits manufacturés.

Dans le même temps, le déclenchement de la crise économique mondiale, la plus grave depuis la Crise de 29, a mis à mal la nouvelle assurance de la Chine dans son engagement en Afrique. Certains voient déjà, dans le repli de dizaines de sociétés chinoises du secteur minier et les efforts de Beijing en vue de rouvrir les négociations sur ses 9 milliards de dollars US d’investissements en RDC, le signe que l’apogée des relations économiques Chine-Afrique a été atteinte. Cette interprétation pessimiste est néanmoins erronée : bien que soumise aux aléas économiques nationaux et internationaux, et à une réévaluation des risques dans certains environnements africains, l’engagement de la Chine en Afrique reste une priorité.

 

L’engagement chinois en Afrique et la quête d’une sécurisation des ressources

 

Que les préoccupations de Beijing en matière d’énergie aient joué, depuis le tournant du siècle, un rôle de plus en plus décisif dans l’élaboration de sa politique étrangère n’est ni un secret ni une révélation. En un peu plus d’une décennie, la Chine est passée du statut de plus grand exportateur asiatique de pétrole à celui de deuxième consommateur mondial en 2003, et de troisième importateur mondial en 2004. Ce fait justifie en soi que la sécurité énergétique ait été placée au cœur de la politique étrangère élaborée par Beijing, puisque, ainsi que le soulignent Zweig et Bi Jianhai, non seulement la continuité de la croissance économique de la Chine, mais aussi la paix sociale et, au final, la survie du Parti communiste chinois dépendent de la sécurisation de l’approvisionnement en ressources.

Bien qu’elle compte parmi les producteurs de pétrole les plus importants (4,8 % de la production mondiale) et qu’elle occupe la deuxième place, juste derrière les Etats-Unis, en termes de capacité de raffinage et de production (8,5 % et 8,7 %, respectivement), la Chine ne parvient pas même à fournir la moitié de ses besoins domestiques en pétrole. Plus globalement, le pays comptait pour 9,3 % de la consommation mondiale de pétrole en 2007 (toujours loin derrière les Etats-Unis, premier consommateur mondial de pétrole avec 24 %) et 10,2 % des importations totales de pétrole, en troisième position derrière les Etats-Unis (33,9 %) et le Japon (12,5 %). En Chine, la consommation de pétrole a doublé au cours de la dernière décennie et, selon l’OPEC, la demande chinoise de pétrole affichera le taux de croissance mondial le plus élevé dans les décennies à venir, doublant encore d’ici à 2030 où elle devrait consommer plus de 15 millions de barils par jour. A elle seule, enfin, la Chine compte aujourd’hui pour 30 % de la croissance de la demande mondiale de pétrole.

Bien que la Chine soit devenue un importateur net de pétrole dès 1993, ce n’est que depuis le début du xxie siècle que la sécurité énergétique occupe le cœur du débat politique. Et quoique d’autres sources d’énergie (comme le charbon, le gaz naturel, le nucléaire, l’hydroélectricité et les combustibles alternatifs) sont essentielles à ce débat, le pétrole, désormais la première cause de dépendance de la Chine envers l’étranger, est son principal souci. Si, comme le souligne Erica Downs, la question des années 1990 fut de savoir si Beijing aurait les moyens financiers de sécuriser l’approvisionnement nécessaire en pétrole, celle des années 2000 fut de savoir s’il y aurait assez de pétrole disponible sur le marché international pour approvisionner la Chine. En outre, les inquiétudes concernant l’instabilité croissante au Moyen-Orient plaidaient pour une stratégie de diversification qui, vu leurs complémentarités évidentes, a rapidement placé l’Afrique en tête de liste des nouveaux pays fournisseurs de Beijing. Une certaine inquiétude n’a cessé de s’accroître ces dernières années dans l’élite politique chinoise, comme en témoigne la création, en 2005, du Groupe de direction dans le secteur de l’énergie (organe de coordination dirigé par Wen Jiabao), la publication d’un Livre blanc sur l’énergie en décembre 2007 (Conditions et politiques énergétiques de la Chine) et le Livre blanc sur la diplomatie, publié en juillet 2008, dont le premier chapitre porte sur « Le problème de la sécurité énergétique en période de prix élevés du pétrole ».

Afin de maintenir sa croissance économique, la Chine est devenue également dépendante de l’extérieur dans d’autres secteurs de l’industrie d’extraction que le pétrole, justifiant encore davantage son interaction économique croissante avec le continent africain au xxie siècle. Durant la dernière décennie, la Chine est devenue le plus grand consommateur mondial de la plupart des métaux de base, dépassant ainsi les Etats-Unis. La demande chinoise a crû de plus de 10 % par an depuis 1990, un rythme qui s’est encore accentué ces dernières années et qui est la cause principale de la forte hausse des prix des métaux sur le marché international. La Chine est le plus grand producteur et consommateur mondial d’aluminium, de minerai de fer, de plomb et de zinc, et détient des parts significatives dans tous les marchés de l’offre et de la demande des autres métaux.

Enfin, la sécurité alimentaire elle-même devient un sujet très préoccupant en Chine. Les années de rapide développement économique ont, pour la première fois depuis des décennies, exposé la Chine aux aléas de l’approvisionnement et aux contraintes du marché des produits agroalimentaires. En termes d’importations globales de ces produits, la Chine est en tête du classement régional avec, respectivement, 44 %, 35 %, 20 % et 2,5 % des importations mondiales de graines de soja, de coton, d’huile de palme et de riz, la demande japonaise, indienne et sud-coréenne suivant loin dans son sillage. Les tendances de la consommation en Chine (et dans une certaine mesure en Inde) ont dramatiquement changé depuis l’introduction progressive du capitalisme de marché et, en Chine, la prise calorique totale (2 258 calories dont 423 de viande en 2003) s’est quasiment hissée au niveau américain (2 736 calories dont 446 de viande en 2003). On aurait pu croire que cette hausse de la demande domestique entraînerait des opportunités de développement pour les fermiers chinois et l’agriculture locale. Mais les contraintes physiques de la Chine qui ne possède que 7 % des terres arables mondiales, malgré sa superficie, l’industrialisation rapide et l’urbanisation concomitante des dernières décennies, entraînant le retrait de la production de dizaines de milliers d’hectares de terre fertile, ont conduit à une augmentation régulière des importations de nourriture laquelle, combinée aux besoins énergétiques chinois (et indiens), a fait monter le prix des produits alimentaires. La crainte que l’inflation et l’amenuisement des ressources ne contribuent à des vagues périodiques de troubles intérieurs, commençant alors à gagner du terrain, fut souligné dans un rapport de 2005 du Conseil d’Etat sur la sécurité alimentaire, au moment où la Chine devenait, pour la première fois depuis l’accession au pouvoir du Parti communiste chinois, un importateur majeur de denrées alimentaires. Une préoccupation au nom de laquelle le gouvernement lança sa politique d’approvisionnement à l’étranger, afin de compenser les pénuries attendues, en une quête relativement similaire à celle de l’énergie et des minerais stratégiques entamée au début des années 1990.

L’abondance des ressources africaines

 

Pour toutes ces raisons, la sécurisation des ressources est devenue pour Beijing une préoccupation centrale de la politique étrangère, l’Afrique jouant à cet égard un rôle critique dans la réalisation des objectifs chinois. Le continent africain est très riche en ressources naturelles (hydrocarbures, minerais et bois) — lesquelles sont largement inexploitées en raison de l’instabilité politique persistante, d’infrastructures médiocres et du manque d’investissements. Néanmoins, l’incursion chinoise dans ce secteur a dû prendre en compte la prédominance d’intérêts établis, principalement ceux des Etats-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne, tous reproduisant dans leur modèle d’investissement, à travers la politique de la Guerre froide, les divisions de l’époque coloniale. A la fin du conflit bipolaire, les intérêts économiques se sont rapidement propulsés à l’avant-scène et les sphères d’influence géographiques, qui avaient modelé les investissements dans le secteur de l’énergie, ont fait place à la concurrence directe entre, par exemple, les intérêts américains et français en Afrique de l’Ouest. D’autres grandes puissances ont été attirées dans la région, ainsi l’Allemagne et le Japon, dont les intérêts n’ont cependant jamais menacé les entreprises américaines et françaises déjà implantées. Parmi les nouveaux acteurs importants figurent les Etats asiatiques (Chine, Inde, Malaisie, Singapour) et moyen-orientaux (Israël, Arabie saoudite, Koweït). Un scénario qui présage d’une compétition accrue pour l’influence économique et politique sur le continent dans les décennies à venir et qui, si l’on y réfléchit, est d’autant plus stupéfiant que l’Afrique, il y a moins de dix ans, était encore une économie dormante et souffrait d’un déclin d’intérêt de la part de ses donateurs occidentaux, lassés par des décennies de coopération au développement infructueux.

Du point de vue régional, l’Afrique détient les troisièmes plus grandes réserves mondiales de pétrole avec 9,5 %, estime-t-on, des gisements connus en 2007, derrière le Moyen-Orient (61 %) et l’Amérique du Nord (11, 6 %), et devant l’Amérique du Sud et l’Amérique centrale (8,5 %). En plus, fait remarquable, l’Afrique affiche le taux de croissance le plus rapide en termes de réserves de pétrole, lesquelles ont doublé ces vingt dernières années. A l’échelle sous-régionale, l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne comptent chacune pour la moitié des réserves connues du continent. La Lybie (35 %), le Nigéria (31 %), l’Algérie (10 %) et l’Angola (8 %) possèdent les plus grandes réserves. Quant à la production, l’Afrique se classe quatrième avec 12,5 % du total mondial, un classement toutefois nuancé grâce au Nigéria, principal producteur de pétrole africain (25 %), à l’Algérie (21 %), la Lybie (20 %) et l’Angola (18 %). Ces dernières années, la production des pays nord-africains semble se stabiliser alors que celle des pays subsahariens a augmenté. Durant la dernière décennie, l’Angola a, par exemple, enregistré le taux de croissance de production le plus rapide, dépassant même, à la mi-2008, le Nigéria en tant que principal producteur de pétrole subsaharien.

Les ressources de l’Afrique en minerais non combustibles complètent ce tableau des plus attractifs, dans lequel l’Afrique du Sud, qui s’étend sur l’un des gisements de minerais les plus riches au monde, apparaît comme le joyau le plus précieux. L’Afrique du Sud est, entre autres, le premier producteur de platine (80 % de la production totale et 90 % des réserves mondiales) et de manganèse (3/4 des réserves de base mondiales), et le deuxième producteur de minerai d’or au monde (dépassée par l’Australie en 2007). La RDC est le premier producteur de cobalt (36 %), dont elle détient la moitié des réserves mondiales connues, mais aussi le premier producteur de diamants (un tiers du total). Ensemble, la RDC, l’Afrique du Sud et le Botswana représentent plus de la moitié de la production mondiale de diamants et 60 % des gisements connus. Parmi les autres pays africains qui possèdent des réserves significatives de minerais ayant récemment attisé l’intérêt chinois, citons le Gabon (manganèse), la Zambie (cuivre et minerai de fer), le Zimbabwe (platine) et l’Angola (diamants, cuivre et minerais de fer).

Tirant partie de leurs complémentarités, la Chine et l’Afrique ont entamé un nouveau chapitre de leurs relations bilatérales, dont la spectaculaire expansion du commerce constitue une donnée majeure, comme l’attestent les récents échanges florissants entre les deux régions. Entre 1995 et 2000, ceux-ci ont plus que doublé, passant de 4 à 10 milliards de dollars US, et quadruplé les cinq années suivantes (42 milliards de dollars US en 2005), les chiffres dépassant les 117 milliards de dollars US en 2008, soit un an avant la cible de 2010 établie par Hu Jintao lors du troisième Forum sur la coopération sino-africaine de Beijing (FOCAC III), en 2006. Une réalité qui s’impose comme l’une des caractéristiques les plus stupéfiantes de la relation sino-africaine. Même si cette dernière ne représente, toutes proportions gardées, qu’à peine 3 % du commerce extérieur total de la Chine, elle affiche le taux de croissance le plus élevé de toutes les régions. Alors que la part de l’Afrique dans les exportations chinoises a crû de 1,7 % en 1996 à 2,7 % en 2006, la part des importations a augmenté de 1 % à 3,6 % pendant la même période — des chiffres révélateurs de la nature des échanges.

Investissements chinois dans le secteur des ressources en Afrique

 

Quoique la Chine jouisse maintenant d’une présence importante dans le secteur africain des ressources, ses investissement sont distribués de manière inégale sur le continent. Les secteurs clés du commerce et des investissements chinois en Afrique reflètent les intérêts de Beijing en termes de matières premières. Au premier rang de celles-ci, on trouve le pétrole qui représente 80 % de la valeur totale des exportations commerciales entre la Chine et l’Afrique ; viennent ensuite le minerais de fer (5 %), le bois (5 %), le manganèse, le cobalt, le cuivre et le chrome (tous entre 0,5 % et 1 %). Bien que la stratégie chinoise en matière d’importation soit nécessairement globale, l’Amérique latine exportant et fournissant donc à Beijing plus de cuivre et de fer que l’Afrique, la Chine est, dans certains cas, devenue dépendante des exportations africaines de minerais. Celles-ci comprennent le manganèse du Gabon, de l’Afrique du Sud, du Ghana et de la Zambie qui fournissent 40 % des besoins d’importations de la Chine, de même que le cobalt de la RDC et d’autres pays africains, lesquels fournissent aujourd’hui 80 % des besoins chinois. Comme nous l’évoquions plus haut, les investissements chinois dans le secteur des minerais incluent des coentreprises (joint-ventures), mais récemment une nouvelle tendance générale à la fusion et à l’acquisition par des firmes chinoises disposant de fortes liquidités se dessine. D’après un rapport de McKinsey, la Chine a ainsi signé, entre 1995 et 2007, deux grands accords de fusion et d’acquisition dans le secteur minier en Afrique, pour une valeur totale de 3 milliards de dollars US, et cinq autres dans les secteurs pétrolier et gazier pour une valeur de 3,9 milliards de dollars US.

De plus, en raison d’un risque de pénurie d’énergie ayant marqué le début des années 1990, Beijing a entrepris ses premières ouvertures en se concentrant sur un objectif : doter la Chine d’un accès au pétrole africain. Ce sont donc surtout les pays riches en pétrole, comme l’Angola, le Soudan et plus récemment le Nigéria, qui ont, à ce jour, bénéficié des « paniers de mesures » proposés par Beijing et qui lient l’aide et l’investissement chinois à des contrats d’approvisionnement de longue durée — la Chine ne s’étant engagée avec les pays producteurs de minerais comme le Gabon, la Mauritanie et l’Afrique du Sud qu’ultérieurement. Cependant l’annonce, fin 2007, d’un accord d’une valeur de 9 milliards de dollars US avec la RDC, destiné à financer le développement et la réhabilitation des infrastructures en échange de concessions minières, est l’exemple le plus spectaculaire de l’application de cette politique envers un pays non producteur de pétrole. Lorsqu’on ajoute à ceci les accords existants, comme le projet Belinga au Gabon (voir infra) et les négociations en cours entre les officiels chinois et africains, on comprend que le secteur des minerais devrait encore, à l’avenir, bénéficier d’autres d’investissements.

L’Angola fut, en effet, le premier pays africain à signer avec la Chine un accord majeur garanti par des ressources naturelles ; il prévoyait la livraison de pétrole à long terme contre la réalisation d’infrastructures — une formule qui serait bientôt connue sous le nom de « modèle angolais ». D’après le Bureau chargé de gérer les prêts chinois au ministère des Finances angolais, trois accords ont, à ce jour, été signés avec la banque chinoise Exim pour un total de 4,5 milliards de dollars US. Le prêt, qui doit être remboursé sur dix-sept ans après un délai de grâce de cinq ans, au taux d’intérêt Libor + 15%, est garanti par 10 000 barils par jour. Peu de temps après la signature de l’accord avec la banque Exim, en mars 2004, Sinopec a acquis sa première participation dans une concession pétrolière angolaise. La ligne de crédit chinoise est entièrement affectée à des projets contenus dans le programme gouvernemental d’infrastructures publiques. Le 10 avril 2008, le ministre des Finances angolais a annoncé, lors d’une conférence publique sur les relations Angola-Chine, que les deux premiers milliards avaient principalement été dépensés dans des projets liés à l’énergie, l’approvisionnement en eau et l’éducation, ces secteurs ayant bénéficié de 18 % et 20 % du premier crédit.

Parallèlement à ce type de prêts, la Chine propose d’autres opportunités de crédit en Angola via un fonds privé établi à Kong Hong en 2003, le Fonds international chinois (China International Fund — « CIF »). Le CIF a été établi pour faciliter les crédits devant financer les projets du Bureau national de reconstruction angolais (Gabinete de Reconstrução Nacional, GRN), sous la responsabilité directe du Bureau du Président. Dans un communiqué de presse d’octobre 2007, le ministère des Finances a déclaré que le premier prêt, d’une valeur de 2,9 milliards de dollars US, avait été souscrit aux mêmes conditions que le prêt de la banque Exim. D’après la Banque mondiale, le montant total de la ligne de crédit octroyée par le CIF est de 9,8 milliards de dollars US. Le CIF entreprend actuellement, via une série d’organismes parastataux, les travaux publics les plus prestigieux du pays, à savoir les trois lignes de chemin de fer qui rallient les trois ports principaux de la côte (Luanda, Lobito, près de Benguela et Namibe) à l’est du pays. Le chemin de fer de Benguela a initialement été construit au début du xxe siècle par les Britanniques pour relier la région de la « ceinture de cuivre », en RDC et en Zambie, où les Chinois développent actuellement d’importants projets miniers. Les entreprises chinoises réhabilitent également les chemins de fer d’autres pays traversant la Zambie en direction de l’océan Indien et des côtes tanzanienne et sud-africaine (Durban), mais la ligne de Benguela constitue de loin la voie de sortie la plus courte et la plus rapide pour les matières premières. Un embranchement devant relier directement la Zambie au chemin de fer de Benguela, sans passer par le Katanga, est également prévu. Le chemin de fer de Moçamedes relie, pour sa part, le port de Namibe aux provinces riches en minerais : Huila (minerai de fer) et Cuando Cubango (cuivre, minerai de fer, diamants). Les perspectives de nouveaux financements chinois sont prometteuses ; une extension de 6 milliards de dollars US serait en négociation avec la banque Exim, alors qu’en août 2008 la Banque chinoise de développement a signé, à Luanda, un accord-cadre non adossé à du pétrole, pour une extension de 1,5 milliard de dollars US, en vue de contribuer à l’effort de reconstruction et de diversification économique de l’Angola.

L’expérience chinoise au Gabon, qui compte parmi les engagements d’investissements les plus significatifs de la Chine à ce jour, met bien en lumière l’attrait de l’offre chinoise — le « panier de mesures incitatives », tant financières que diplomatiques, en échange de contrats d’approvisionnement à long terme avec les gouvernements africains — et la complexité de la mise en œuvre de tels accords. Au Gabon, petit producteur de pétrole, mais doté de gisements de minerais de fer et de manganèse substantiels et sous-exploités, les Chinois furent activement encouragés par le gouvernement à soumissionner dans le cadre du projet de minerai de fer Belinga, lequel avait été octroyé en sous-traitance à la firme brésilienne CVRD (aujourd’hui Vale). Suite à la visite du président Hu Jintao, l’offre, entièrement chinoise, de la China National Machinery and Equipment Corporation (CMEC) remporta les droits exclusifs du projet Belinga et de sa production, en échange d’un investissement de 3 milliards de dollars US destinés au développement des infrastructures gabonaises, couvert par la banque chinoise Exim. Le projet inclut la construction d’une toute nouvelle ligne de chemin de fer de 560 km, reliant Belinga à la côte (la firme CVRD n’avait offert de construire qu’un tronçon de 200 km), un port minier en eaux profondes pour le transport au nord de Libreville, un barrage hydroélectrique sur la rivière Ivindo et une exploitation minière de fer. Pour le gouvernement gabonais qui, depuis 2005, n’avait tiré du secteur minier que 2 % de son PIB et n’avait en outre jamais fait d’investissements de cette ampleur dans ses infrastructures, l’offre chinoise laissait entrevoir, en cette veille d’élections, de nouvelles sources de revenus et d’opportunités locales d’emploi. Cependant, un groupement d’ONG locales et internationales, relayées par la Banque mondiale, dénonça la nature secrète du contrat, le « contrôle » chinois des ressources naturelles du pays, qu’elles jugeaient préoccupant, et la construction d’un barrage dans un parc national, si bien que la concrétisation de l’accord s’avéra fort délicate. Au final, les Chinois furent contraints de renégocier les termes de l’accord à peine un an après la signature du contrat initial, afin que la participation du gouvernement dans la société devant diriger les opérations et créée à cette fin, la Compagnie minière du Belinga, soit augmentée à 25 %. Suite aux retards pris dans la mise en route du projet, en partie dus à la structure du consortium lui-même, rien ne fut produit. Et les prix, ayant par ailleurs chuté, le projet serait même aujourd’hui, d’après la rumeur, sur le point d’être réévalué dans sa totalité.

Un accord similaire, de type « infrastructures contre ressources », a aussi été signé avec la RDC en septembre 2007. D’un montant de 5 milliards de dollars US, il s’agit du prêt le plus important jamais octroyé par la Chine à un pays africain. D’après le contrat, signé par les deux gouvernements et financé par la banque chinoise Exim, trois milliards de dollars US doivent, dans un premier temps, être alloués à la réhabilitation et à la construction d’infrastructures. Les projets incluent 3 400 km d’autoroutes entre Kisangani, au nord-est, Lubumbashi et Kasumbalesa, à la frontière sud du pays avec la Zambie ; 3 200 km de chemins de fer ralliant la province minière du Katanga au port de Matadi à l’embouchure du fleuve Congo à l’ouest ; 31 hôpitaux, 145 centres de santé, deux universités et 5 000 logements. Les 2 milliards restants devant être débloqués, dans un second temps, pour la réhabilitation des infrastructures minières et l’établissement de coentreprises dans le secteur minier.

Fait remarquable, ce prêt est de loin supérieur à tous les prêts contractés ces dernières années par la RDC auprès de ses donateurs occidentaux. A l’instar des contrats signés avec l’Angola et le Gabon, les modalités de remboursement prévoient des droits sur les ressources naturelles du pays, principalement les concessions minières et forestières, et des accords sur les revenus de péage avec les entreprises chinoises. En janvier 2008, ce prêt a été étendu à 9 milliards de dollars US, 6 milliards étant désormais affectés aux infrastructures et 3 milliards au secteur minier. Fin janvier 2008, un accord entre la société minière nationale congolaise Gecamines, Sinohydro et China Railway Engineering Corporation (CREC) a donné naissance à une coentreprise baptisée Sicomines et détenue, à hauteur de 68 %, par la partie chinoise ; cette coentreprise doit rembourser le prêt des deux volets (« infrastructures » et « mines ») avec les revenus des droits d’exploration de deux concessions de cuivre et de cobalt situées dans la province du Katanga et dont les réserves, estimées à 10 millions de tonnes pour le cuivre et à 2 millions de tonnes pour le cobalt, devraient durer vingt-cinq ans. Sicomines devrait atteindre une production de 400 000 tonnes de cuivre par an dans les cinq prochaines années, un chiffre significatif lorsque l’on considère que la production totale de la RDC fut de 23 030 tonnes en 2007.

Tout d’abord, les revenus de Sicomines seront totalement consacrés au remboursement de l’investissement minier ; ultérieurement, 66 % des revenus seront consacrés au remboursement des investissements infrastructurels, les 34 % restants devant être redistribués aux actionnaires — la coentreprise étant par ailleurs exempte de toute taxe durant les deux phases. L’accord stipule qu’un cinquième seulement des employés peuvent être chinois, qu’un demi-pour cent de l’investissement doit être consacré à la formation du personnel local et au transfert de technologies, que 1 % doit être réservé aux activités sociales, trois autres encore aux coûts environnementaux, entre 10 % et 12 % des contrats devant enfin être sous-traités à des entreprises locales. Néanmoins l’ensemble de ces mesures est actuellement renégocié non seulement suite à la dénonciation des termes de l’accord par l’opposition et par les rebelles, mais aussi après l’effondrement du prix des minerais qui rend ce contrat bien moins intéressant pour la partie chinoise.

Le même type d’investissement conjoint dans les mines et les infrastructures émerge également dans d’autres pays riches en ressources : la Chine a réalisé des investissements majeurs (exploration, production, raffinage, oléoducs) non seulement dans d’autres pays grands producteurs de pétrole et reconnus comme tels, le Soudan (depuis 1998) et plus récemment le Nigéria, mais aussi dans des pays de production plus modeste (Gabon, Congo-Brazzaville) ou plus récente (Guinée équatoriale, Tchad). En outre, Beijing mène des opérations de prospection dans des pays potentiellement producteurs comme l’Ethiopie, le Kenya et São Tomé-et-Principe. Récemment arrivées et encore loin derrière leurs concurrentes occidentales, au plan des technologies et de l’expertise, les sociétés pétrolières nationales chinoises comptent sur cette approche et sur les considérables ressources financières de Beijing pour créer des coentreprises avec les sociétés pétrolières locales et augmenter les parts chinoises dans les puits de pétrole exploités par les sociétés pétrolières internationales.

Bien que toujours marginale par rapport au pétrole, la part de la Chine dans les exportations africaines de minerais a augmenté à un rythme plus élevé ces dernières années. La Chine absorbe actuellement 60 % des exportations africaines de cobalt, 40 % des exportations de fer et de 25 % à 30 % des exportations de chrome, de cuivre et de manganèse. Tandis qu’au Gabon et en RDC les récents investissements miniers doivent encore porter leurs fruits, la Chine est d’ores et déjà un acteur majeur en Zambie, principalement grâce à l’acquisition de 85 % des mines de cuivre de Chambeshi en 1998, l’un de ses premiers investissements miniers à l’étranger. Ces dernières années, la Chine a montré un intérêt croissant pour la « ceinture minière » qui s’étend du sud-est de la RDC et de la Zambie au Mozambique et à la Tanzanie. Contrairement au secteur pétrolier, le secteur minier africain a également attiré des investissements chinois privés, surtout en Zambie où une entreprise chinoise a acheté une mine de manganèse et en RDC où un accord a récemment été signé entre Kinshasa et une société privée de Shanghai (la « Shanghai Pengxin Group Ltd ») — accord qui prévoit d’injecter un milliard de dollars US dans le développement d’infrastructures, l’investissement étant adossé aux revenus des droits miniers de deux concessions (Kamoya et Kambove).

Etant donné la structure de la coopération chinoise au développement et la nature étatique du contrôle des concessions en Afrique, les accords-cadres bilatéraux sont la modalité privilégiée de son engagement — une approche en contraste avec les aspirations africaines persistantes à une intégration économique régionale accrue, et même avec la rhétorique chinoise soutenant cet objectif. L’option bilatérale choisie par Beijing dans sa politique de sécurisation des matières premières a fait l’objet de certaines critiques africaines : la stratégie chinoise ignorerait le souhait des pays africains, pourtant affirmé dans les procédures du NEPAD, d’un développement par la promotion de l’intégration régionale. Depuis le troisième Forum sur la Coopération sino-africaine (FOCAC III) de Beijing, en 2006, la Chine se déclare engagée à soutenir des projets d’infrastructures transrégionaux. Ainsi la Banque chinoise de développement, en tant qu’administratrice du Fonds de développement Chine-Afrique lancé à l’occasion du FOCAC III, a indiqué qu’elle était disposée à soutenir ce type de projets dans la région SADC (Southern African Development Community). Les entreprises chinoises du bâtiment, qui d’abord avaient privilégié les projets financés par le gouvernement chinois, ont étendu leurs activités et s’avèrent aujourd’hui hautement compétitives dans les appels d’offres publics de ce type, et ce y compris à l’échelle transrégionale, gagnant entre 10 % et 20 % de tous les projets d’infrastructures africains de l’Association internationale de développement — un fait révélateur, peut-être, de la volonté chinoise d’ancrer plus profondément sa présence en Afrique.

Un récent rapport de la Banque mondiale sur le rôle de la Chine dans les infrastructures africaines pointe un certain chevauchement entre la répartition géographique des investissements de Beijing dans le secteur des ressources et ses engagements dans le secteur des infrastructures en Afrique, ce qui est en partie justifié par le fait que l’exploration des ressources est, dans la plupart des cas, entravée par un manque ou une insuffisance d’infrastructures. Globalement, la part des investissements chinois dans les infrastructures effectivement liées à l’exploration de ressources ne représente cependant que 7 % du total des investissements de Beijing dans ce secteur en Afrique.

Bien que les entreprises occidentales et locales dominent les secteurs du pétrole et des minerais dans la région, la présence chinoise s’affirme rapidement. Ceci n’est pas sans lien avec le soutien politique et la puissance financière de Beijing qui semblent progressivement compenser les faiblesses chinoises en termes de compétence technique, d’expérience et d’expertise, dans le processus de soumissionnement (par exemple dans le cas du Gabon et de l’Angola évoqué plus haut) par rapport à ses compétiteurs occidentaux. Plus encore, la demande de ces matières premières, toujours plus pressante en Chine, a dynamisé l’exploration non seulement de gisements mineurs moins productifs sur tout le continent, mais aussi celle des réserves inexploitées depuis des décennies en raison de l’instabilité politique ou de coûts prohibitifs liés au manque d’infrastructures et à l’éloignement des réserves. L’arrivée tardive des entreprises chinoises sur le marché semble être plus problématique dans le secteur pétrolier que dans celui des minerais, les sociétés chinoises ayant dû signer rapidement des accords majeurs (par exemple avec le Gabon, la RDC et la Zambie). Ce qui, dans une certaine mesure, peut expliquer que la récession économique semble affecter plus durement les entreprises chinoises du secteur minier que celles du secteur pétrolier.

Enfin, le dernier secteur en date à susciter l’intérêt chinois pour les ressources africaines est celui de l’agriculture. Dans le cadre du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) de Beijing, en 2006, une initiative majeure et inédite a été prise dans le but d’établir dix centres de formation agricole à travers le continent et de pouvoir décupler la productivité totale de l’Afrique. Cependant, suite à l’augmentation des prix de l’énergie et des produits alimentaires en 2007, et à la décision concomitante des pays grands fournisseurs de denrées de base, comme la Thaïlande, de limiter leurs exportations de riz, il est clairement apparu que le marché ne pourrait, à lui seul, satisfaire la demande chinoise. La course aux accords bilatéraux devant sécuriser l’approvisionnement en produits alimentaires, à l’instar de l’accord entre les gouvernements thaïlandais et philippin, récemment révélé, atteste de la sensibilité extrême de ce sujet.

Dans ces circonstances de crise, le recours au marché international et aux stratégies visant l’augmentation de la productivité agricole de l’Afrique est perçu comme insuffisant. Comme dans le cas des stratégies d’acquisition de ressources, Beijing a mis au point un ensemble de mesures financières destinées à encourager l’investissement des entreprises chinoises à l’étranger, notamment dans les entreprises agroalimentaires de régions relativement peu exploitées comme l’Afrique et l’Amérique latine, ce qui pourrait répondre aux besoins de développement de ces pays. Alors qu’ils identifiaient de possibles projets d’investissements, les responsables chinois discutèrent avec divers gouvernements africains de la possibilité de louer des terres arables pouvant être exploitées par des fermiers chinois. Comme dans les projets de bâtiment, la maind’œuvre chinoise s’est avérée être un facteur déterminant de la rapidité de production de résultats ; le chômage touchant les campagnes, la possibilité de louer des terres à des fermiers chinois est donc perçue par les responsables chinois comme une solution adéquate. Li Ruogu, directeur de la banque chinoise Exim, déclarait, dans un discours largement cité, prononcé au cœur de la Chine rurale, en septembre 2007 : « Chongqing jouit d’une expérience significative dans la production agroalimentaire de masse, alors qu’en Afrique cette production est insatisfaisante en dépit de l’abondance de terres. Il y a là d’énormes opportunités de coopération pour les deux parties. Nous avons déjà soutenu plusieurs projets agricoles en Afrique qui ont tous généré des profits considérables. L’exportation de notre main-d’œuvre locale ne fait que commencer et devrait encore s’intensifier lorsque nous aurons convaincu nos fermiers de devenir propriétaires à l’étranger […]. A ceux-ci, la banque accordera un soutien complet en termes d’investissement de capital, de développement de projet et de réseaux de vente pour leur production. » (South China Morning Post, 19 septembre 2007)

Au Mozambique, le gouvernement chinois a ainsi fait pression pour obtenir des baux de longue durée, afin d’établir de gigantesques exploitations agricoles et d’élevages de bétail, pour augmenter la production annuelle, dans le cas de la production rizicole, par exemple, de 100 000 tonnes à 500 000 tonnes. La banque Exim n’est pas la seule à vouloir soutenir les investissements dans l’agriculture. La Banque chinoise de développement, via l’attribution de prêts liés au Fonds de développement Chine-Afrique, lourd de 5 milliards de dollars US, privilégie actuellement les projets agroalimentaires. Bien plus, après la signature d’un protocole d’accord entre la banque Exim et la Banque mondiale en 2007, et suite à l’expansion de l’influence chinoise dans cette institution, la Banque mondiale elle-même a débloqué 6 milliards de dollars US au soutien de programmes agroalimentaires en Afrique.

Les fonctionnaires chinois responsables de cette politique agricole semblent n’avoir pas considéré que l’introduction de fermiers qualifiés en Afrique serait très probablement conversée sur le continent. Des conflits liés à la terre dans des pays aussi divers que le Zimbabwe, le Kenya et la Côte-d’Ivoire témoignent de l’instabilité virtuelle que cette question dans ses multiples aspects, tant commerciaux qu’identitaires, spirituels et idéologiques, provoque en Afrique. Des conflits qui sont de surcroît toujours enchevêtrés à des querelles de nationalité et des flambées xénophobes envers les ressortissants « non authentiques » et qui présagent des difficultés que les colons chinois, ayant embrassé l’agriculture en Afrique, ne manqueraient pas de rencontrer. C’est pourquoi, bien que des investissements classiques dans le secteur agroalimentaire et l’implantation concrète de migrants chinois aient été débattus au Libéria, au Mozambique, en Afrique du Sud, en Angola et au Kenya — et réalisés, sur un mode mineur, en Zambie et en Ouganda —, cette approche chinoise de la sécurité alimentaire semble condamnée à susciter des répercussions négatives au sein de la population africaine, menaçant davantage la capacité de Beijing à consolider sa position sur le continent.

Tourmente économique mondiale et devenir chinois de l’Afrique

 

En dépit de la récession planétaire, le moteur principal de l’engagement de la Chine en Afrique, à savoir la quête de ressources pouvant alimenter son économie, reste intact. Il s’agit d’une tendance à long terme qui ne devrait pas souffrir de changements majeurs, mises à part les perturbations actuelles, et qui continue d’instruire les décisions stratégiques de Beijing. Les appétits chinois en la matière sont clairement entiers, ainsi qu’en atteste par exemple la frénésie prodigieuse avec laquelle les grandes entreprises chinoises achètent des entreprises à la pointe du secteur des ressources australien. Dans le cas présent, ces entreprises chinoises, qui disposent de capitaux très importants, tirent avantage des malheurs financiers accablant des entreprises australiennes, comme Rio Tinto et Oz Minerals, que leur surexposition a rendues déficitaires et qui ont besoin de substantielles injections de crédits pour pouvoir honorer à court terme leurs obligations. La signature en 2009 d’un accord portant sur un prêt de 10 milliards de dollars US de la Banque chinoise de développement à la firme brésilienne Petrobras, en échange d’un contrat d’approvisionnement à long terme, est une autre indication évidente de la poursuite de l’activisme chinois dans le secteur des ressources. Un activisme alimenté par les confortables réserves financières de la Chine qui, à l’heure où la crise du crédit frappe le reste de l’économie mondiale, lui fournissent des options encore inimaginables, il y a deux ans à peine. Simultanément, une certaine circonspection s’est installée à Beijing, notamment suite aux pertes considérables subies par le Fonds d’Etat qui, au début de la crise économique, s’était empressé d’acheter des actifs financiers occidentaux dont la valeur a ensuite fortement chuté.

En Afrique, cette circonspection se fait sentir dans la modalité désormais plus sélective de l’engagement chinois sur le continent, hier encore destination prisée des firmes chinoises avides de ressources et d’un accès à ses richesses largement inexploitées (énergie, minerais, bois, agriculture). Une réserve est à l’œuvre dans le discours et les décisions de Beijing, et plus particulièrement dans sa politique de différenciation des stratégies à l’égard des économies africaines clés du secteur des ressources, selon que celles-ci bénéficient déjà de larges investissements et engagements financiers chinois ou que leur présence soit limitée. Ainsi, suite aux inquiétudes formulées par le président angolais José Eduardo dos Santos, à l’occasion de déplacements répétés à Beijing au cours des six derniers mois, le gouvernement chinois a dû rassurer les autorités angolaises, affirmant que non seulement la Chine honorerait ses engagements, mais qu’elle entendait également approfondir sa coopération avec Luanda. En revanche, la chute des prix des matières premières a motivé une renégociation des prêts d’investissements d’une valeur de 9 milliards de dollars US, octroyés à la RDC, en échange de gigantesques concessions minières dans ce pays riche en ressources. Le programme de redressement prévu par Joseph Kabila — qui supposait un soutien financier majeur de Beijing pour le développement d’infrastructures dans les secteurs des transports, l’hydroélectricité, la santé, l’éducation et l’assainissement de l’eau — serait, par conséquent, examiné à nouveau.

Nous assistons ainsi, actuellement, à un gel de la production, voire même à un repli, des petites entreprises minières chinoises, aux capitaux et à l’expertise technique limités, dont l’arrivée récente sur la scène africaine des ressources était opportunément liée à la forte augmentation des prix des matières premières. Quarante sociétés minières chinoises se sont retirées du Katanga ou ont suspendu leur production en attendant que le prix des matières premières remonte et que les inventaires soient réalisés en Chine. Une réaction aux fluctuations circonstancielles de l’économie mondiale qui n’est pas propre aux investisseurs chinois et qui reflète plutôt la stratégie générale des firmes occidentales et sud-africaines actives dans les mêmes secteurs.

Un des éléments importants de l’engagement économique chinois en Afrique, souvent négligé, est la possibilité de gagner, par le jeu des mesures incitatives aux sociétés chinoises, tant un accès aux nouveaux marchés qu’une expérience sur ceux-ci. La banque chinoise Exim encourage, par exemple, les investisse-ments chinois dans les secteurs des ressources, de la production agroalimentaire et des infrastructures en Afrique, en ciblant de manière explicite les secteurs bénéficiant d’un soutien financier qui profitent tous également d’un soutien gouvernemental dans les négociations diplomatiques de Beijing avec les gouvernements africains. Les prêts garantis par le gouvernement aux entreprises publiques du secteur des ressources, comme Sinopec, ou des télécommunications, comme ZTE, ou encore aux firmes privées comme HUAWEI, expliquent la percée de ces entreprises sur les marchés spécifiquement africains. Par ailleurs, le soutien du gouvernement chinois à l’expansion en Afrique répond à la surabondance de fermiers et d’entreprises du bâtiment en Chine. Une situation que reflète bien le profil de nombreux ouvriers chinois travaillant dans ce secteur en Afrique : peu qualifiés et recrutés dans des zones rurales reculées. Autant d’éléments attestant que la motivation du gouvernement chinois à poursuivre son expansion en Afrique n’a guère changé.

A la lumière de son exposition grandissante face aux conditions souvent changeantes du continent, la Chine réévalue aujourd’hui les risques qu’elle encourt en Afrique. Alors qu’ils étaient, au début, confiants (ou naïfs) quant à leur capacité de gérer les difficultés ou les menaces éventuelles sur leurs intérêts commerciaux grâce à leur réseau de contacts avec les élites, les entreprises et le gouvernement chinois commencent à reconnaître les difficultés opérationnelles rencontrées en Afrique, notamment dans le domaine des ressources où plusieurs mouvements d’opposition, au Nigéria, en Ethiopie et au Soudan, ont pris pour cible les intérêts chinois dans leurs campagnes antigouvernementales. Les chefs d’entreprises chinois estiment aujourd’hui que le droit des contrats, internationalement reconnu, sécurisera mieux leurs intérêts à long terme que la pratique d’accords nébuleux entre élites chinoises et africaines. A cet égard, le recul du Fonds international chinois (CIF) au profit de la banque chinoise Exim et de la Banque chinoise de développement pour le financement de projets en Angola est révélateur. En effet de nombreux problèmes liés aux difficultés rencontrées par certaines firmes chinoises lors du rapatriement de leurs profits, et à la chute du dollar, ont affecté la viabilité financière globale de l’engagement chinois en Afrique. Les entreprises du bâtiment actives en Angola ont alors tardivement découvert que des restrictions monétaires limitaient les possibilités de rapatriement des profits, tandis que des contrats libellés en dollars grevaient les revenus tant des sociétés que des travailleurs.

Reste que, si la crise économique mondiale a contribué au repli de certaines firmes chinoises, en particulier en RDC, tout comme à la réévaluation globale des risques encourus sur le continent, elle n’a pas entamé l’engagement chinois à long terme en Afrique. Elle a plutôt conduit à une stratégie d’investissement plus prudemment élaborée, prenant davantage en compte les circonstances spécifiques à chaque secteur et de chaque pays où se développent les intérêts chinois. L’appétit de Beijing pour les ressources africaines et pour de nouvelles opportunités de marchés reste entier, et le devenir de l’Afrique semble chaque jour placé davantage sous le signe de la Chine.

 

http://www.cairn.info/revue-les-temps-modernes-2010-1-page-28.htm

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20 janvier 2015 2 20 /01 /janvier /2015 10:29

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Le Monde.fr | 20.01.2015

A 7,4 %, la croissance chinoise a ralenti en 2014, et a atteint son rythme de progression annuelle le plus faible depuis 1990. La République populaire manque de peu l'objectif qu'avait fixé le gouvernement chinois, une progression de 7,5 % de son PIB, une première, là aussi, depuis seize ans. En comparaison, l'économie chinoise avait progressé de 7,7 % en 2013.

Au printemps 2014, les dirigeants chinois avaient pris soin de faire précéder pour la première fois leur objectif de la mention « zuoyou », c'est-à-dire « environ », déjà conscients du risque politique qui planait sur leur capacité à atteindre cette cible.

MULTIPLICATION DES EFFORTS

La croissance s'est stabilisée à 7,3% de progression au dernier trimestre de 2014, rythme similaire à celui enregistré de juillet à septembre. « La Chine est à son rythme le plus lent depuis la crise des subprimes » commente Xu Gao, chef économiste chez Everbright Securities.

Pékin a, pour parvenir à maintenir ce niveau de croissance, déjà dû multiplier les efforts. La banque centrale avait baissé ses taux directeurs, le 21 novembre, après avoir annoncé davantage d'investissements dans le réseau ferroviaire et le développement de nouveaux quartiers, ainsi qu'un allégement de la fiscalité des petites entreprises.

« NOUVELLE NORME » DE L'ÉCONOMIE CHINOISE

Le gouvernement présente désormais ces chiffres comme la « nouvelle norme » de l'économie chinoise, consistant à faire moins vite mais mieux, un discours déployé par le secrétaire du parti communiste, Xi Jinping, et qui correspond à une exigence de l'opinion publique, fatiguée des bulles, des projets mal conçus, et demandeuse de stabilité.

Il n'est donc plus question d'un redressement majeur. « L'économie de la Chine est parvenue à un progrès constant et à une amélioration qualitative sous la nouvelle norme en 2014 » faisait valoirle Bureau national des statistiques, mardi 20 janvier au matin, en publiant ces chiffres. « Toutefois, nous devons également être conscients que la situation intérieure et internationale est toujours compliquée et que le développement économique est confronté à des difficultés et défis » rappellent les statisticiens de l'Etat.

CHUTE DE L'IMMOBILIER

La décélération du marché immobilier, qui s'est poursuivie sur l'ensemble de 2014, est le premier facteur de ralentissement. Le gouvernement a placé depuis plusieurs années des restrictions à l'achat de multiples biens immobiliers, et ce afin de dégonfler une possible bulle, alors que de nombreuses villes chinoises ont trop largement anticipé la demande future de logements. Il faudra du temps pour absorber cette surcapacité, et c'est là la principale bride qui retient à l'heure actuelle le développement chinois. Le prix moyen des logements a chuté de 4,3 % sur un an en décembre, quatrième mois consécutif de baisse.

Nombre d'économistes s'attendent désormais à ce que la banque centrale chinoise adopte, dans les semaines à venir, de nouvelles mesures, telles qu'une réduction des ratios de réserves imposés aux banques et une baisse des taux d'intérêt, afin de stimuler l'activité.
Selon les chiffres officiels publiés mardi, le PIB de la Chine a atteint 63 646 milliards de yuans l'an passé, soit 8838 milliards d'euros ou 10233 milliards de dollars aux taux actuels. De sorte que la deuxième puissance mondiale rejoint désormais les Etats-Unis dans le club des économies dépassant les 10 000 milliards de dollars.

 

http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2015/01/20/la-croissance-chinoise-au-plus-bas-depuis-24-ans_4559325_3216.html

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17 janvier 2015 6 17 /01 /janvier /2015 09:32

17 janvier 2015 - RFI

La Chine est-elle vraiment la première puissance économique mondiale ? La Banque mondiale le dit. En Afrique comme en France, on accueille à bras ouverts les investissements chinois. Mais, Pékin joue sur deux tableaux : acteur majeur de l’économie mondiale et, malgré tout, puissance émergente. Au moment où la croissance économique de l’empire du Milieu faiblit, où va la Chine, où entraîne-t-elle le monde ?

Trois invités pour répondre à ces questions : Claude Meyer, professeur à Sciences-Po Paris ; Haiyang Zhang, directeur de l’Institut Confucius de Rouen ; Stéphane Lagarde, journaliste au service étranger de RFI, ancien correspondant à Pékin.

http://www.rfi.fr/emission/20150117-chine-puissance-economique-mondiale/

 

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28 décembre 2014 7 28 /12 /décembre /2014 10:34

http://s2.lemde.fr/image/2014/12/26/534x0/4546210_3_94f0_pour-tenter-de-relancer-l-economie-japonaise_b506ac178b345b40da96777a5962ce85.jpgLe Monde.fr | 26.12.2014

L’érosion de l’effet des « Abenomics  », ces mesures visant à relancer l’économie japonaise après des années de déflation, engagées par le premier ministre Shinzo Abe depuis fin 2012, se confirme. Comme le montrent plusieurs indicateurs, publiés vendredi 26 décembre, le Japon finit l’année 2014 sur une note négative. Avec pour horizon pour M. Abe, qui vient d’être réélu premier ministre, après la victoire de son parti, le Parti Libéral-Démocrate (PLD, droite) aux législatives anticipées du 14 décembre, le risque d’une récession prolongée.

L’inflation ralentit toujours : en novembre, pour le quatrième mois d’affilée, la hausse des prix s’est tassée. Elle se situe, hors produits périssables, à + 2,7 % sur un an, contre + 2,9 % en octobre, a annoncé vendredi 26 décembre, le ministère des affaires intérieures. Mais, en excluant l’impact de la hausse, début avril, de la taxe sur la consommation (l’équivalent de la VA), qui gonfle l’inflation de l’ordre de deux points, la progression des prix est de 0,7 % seulement, selon la méthode de calcul proposée par la Banque du Japon (BoJ), soit encore loin de son objectif de 2 %. Le Japon n’avait pas connu une inflation aussi faible depuis septembre 2013. Et la baisse des prix du pétrole devrait contribuer encore à freiner la progression des prix.

La consommation se replie encore : les dépenses des ménages japonais, qui avaient déjà reculé de 4 % en octobre, ont baissé de 2,5 % en novembre sur un an. L’effet de la hausse de la TVA continue de se faire sentir. D’autant que les revenus des ménages, eux, sont en recul.

La production industrielle recule : les industriels ont réduit leur production en novembre, de 0,6 %. Il s’agit du premier recul en trois mois. Ce chiffre est bien en deçà des attentes des économistes (+ 0,8 %). Ces derniers prévoient néanmoins un rebond en décembre et janvier.

Cela fait plusieurs mois déjà que les « Abenomics » patinent et que les doutes se multiplient quant à l’efficacité de cette politique de relance massive. Au troisième trimestre, le Japon est entré en récession, avec un produit intérieur brut (PIB) en recul de 0,5 % par rapport au trimestre précédent, soit une chute en glissement annuel de 1,9 %.

Le PIB avait déjà reculé de 7,3 % en glissement annuel entre avril et juin. Ce coup d’arrêt de l’économie nipponne a contraint le gouvernement à repousser son projet d’une seconde augmentation de la TVA.

Lire aussi : Les leçons des « Abenomics »

Pour tenter de relancer la machine, M. Abe doit annoncer, samedi, un nouveau plan de relance de l’ordre de 3 500 milliards de yens (24 milliards d’euros). Avec un objectif : donner un coup de pouce à la consommation.

Les entreprises invitées à « partager le gâteau »

À peine réélu, M. Abe a d’ailleurs pressé les chefs d’entreprises de donner du pouvoir d’achat, à la fois en augmentant les salaires lors des prochaines négociations du printemps, et en payant mieux leurs sous-traitants.

Les salaires réels (une fois déduite l’inflation) se sont encore repliés de 4,3 % en novembre (par rapport au même mois en 2013), la plus forte baisse depuis cinq ans. Ils sont en baisse depuis 17 mois consécutifs.

Jeudi 25 décembre, le gouverneur de la Banque centrale du Japon (BoJ), Haruhiko Kuroda a lui aussi mis les patrons sous pression. S’exprimant devant les membres de fédération patronale Keidanren, les grandes compagnies, largement bénéficiaires de la dépréciation du yen, il les a pressés de changer « leur attitude », de « partager le gâteau » et réinvestir leurs profits « afin que le cercle vertueux de l’économie s’installe solidement ».

« À ce stade, le gâteau est inégalement partagé en faveur des grosses firmes et des détenteurs d’actifs financiers. Si les entités économiques qui ont eu une large part du gâteau ont tendance à peu dépenser, le prochain cycle ne s’enclenchera pas », a assuré M. Kuroda.

Selon des données publiées la semaine dernière par la BoJ, les entreprises n’ont jamais eu des matelas d’argent aussi bien remplis.

Pour autant, le milieu patronal japonais reste circonspect face aux « Abenomics ». Bon nombre de patrons attendent la mise en œuvre de la « troisième flèche », celle des réformes structurelles : réforme du marché du travail et de l’agriculture, baisse de l’impôt sur les sociétés.

« Les Abenomics sont à un tournant. Leur succès dépend de la troisième flèche et des mesures drastiques à prendre pour réformer les systèmes qui entravent la croissance », témoignait auprès du Monde, il y a quelques semaines, Yasuchika Hasegawa, président de la Keizai Doyukai, l’une des organisations patronales de l’Archipel, et directeur général de Takeda Pharmaceuticals, numéro un de la pharmacie au Japon. Il appelait le gouvernement à « mettre en œuvre les réformes fondamentales pour renforcer la productivité » et à tout faire pour « remplacer l’ancien par le nouveau dans l’industrie ».

http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/12/26/le-japon-cherche-les-moyens-de-relancer-son-economie_4546211_3234.html#xtor=AL-32280270

 

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14 septembre 2014 7 14 /09 /septembre /2014 11:08

Je présenterai en 2014-2015 quatre cycles de conférences :

 

1- LA CHINE S'EST EVEILLEE... (Nouveau cycle)

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Combien de fois a-t-on prédit par le passé que la Chine émergerait, que la Chine s’ « éveillerait » ? Elle s’est bel et bien « éveillée », et est devenue l'une des principales puissances mondiales. Et cette renaissance sur la scène internationale autant que la force de son développement économique sont des facteurs qui, profondément et durablement, ont abouti à la recomposition des équilibres mondiaux. Avec l’émergence de la Chine, c’est le XXIe siècle qui commence, et qui nous oblige à faire une nouvelle lecture géopolitique et géoéconomique du monde. La Chine a le potentiel d’une « hyperpuissance » et montre aujourd’hui l’étendue de ses ambitions, à la fois régionales et mondiales. Mais elle doit faire face à des défis d’envergure, qui révèlent aussi ses faiblesses et les incertitudes des décennies à venir. 

 

IMPLANTATION D'IRIGNY.

Lieu : Le Sémaphore. Centre culturel de Champvillard, chemin de Bourtan.

Jour : Lundi.

Horaires : de 14h00 à 16h00.

 

Conférences : 

6 octobre 2014 - Le potentiel d'une "hyperpuissance".

17 novembre 2014 - Les hommes au service de la puissance.

5 janvier 2015 - La Chine au coeur de la mondialisation.

19 janvier 2015 - Vers une explosion sociale ?

2 février 2015 - Réformes, ou immobilisme politique ?

23 février 2015 - Puissance régionale, puissance mondiale ?

30 mars 2015 - Territoire et environnement.

27 avril 2015 - Les défis de la Chine de demain.


2- La Birmanie : conditions et enjeux de l’ouverture.

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Les images de liesse populaire au moment de la victoire d’Aung San Suu Kyi en 2012 ont chassé celles, plus rares, de la répression des moines à l’automne 2007. Tout semble indiquer que les autorités birmanes ont amorcé en 2011 ce virage historique qui fera sortir le Myanmar de la dictature militaire installée en 1962, et le fera accéder sinon à l’occidentalisation du moins à une certaine modernité. Le pays est en train de se transformer, de s’ouvrir, de se libérer à une vitesse incroyable. Et les enjeux de cette ouverture - politiques, économiques, sociaux, géopolitiques - sont aussi nombreux que les interrogations qui l’accompagnent, et dont nous sommes les témoins à la fois enthousiastes et vigilants.

 

IMPLANTATION DE MONTCHAT (Lyon 3e).

Lieu : Foyer Montchat, 53 rue Charles Richard.

Jour : Mercredi.

Horaires : de 14h00 à 16h00.

 

Conférences : 

08 octobre 2014 - Présentation générale.

5 novembre 2014 - Histoire contemporaine de la Birmanie (1962-2007).

14 janvier 2015 - Histoire contemporaine de la Birmanie (2007-2014).

25 février 2015 -  Les acteurs du changement.

11 mars 2015 - Les enjeux économiques de l'ouverture.

1er avril 2015 - Unité, diversité : l'épineuse question des minorités.

29 avril 2015 - La Birmanie dans son environnement régional et international.

20 mai 2015 - Mutations, permanences... et interrogations.

 

3- L'ASIE : Unité et diversité

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Par son poids démographique (60% de la population mondiale), ses innombrables richesses culturelles, son incroyable dynamisme économique, l'ampleur des mutations sociales qui en sont la conséquence et les transformations stratégiques en cours, le continent asiatique est un ensemble géopolitique et géoéconomique à la fois unique et incontournable. Le XIXe siècle avait été européen, le XXe américain, mais le XXIe sera asiatique... et c’est bien dans cette direction que se tournent nos regards, inquiets face aux ambitions affichées par les géants chinois et indiens, mais curieux face à la complexité d’un monde méconnu et fascinant.

 

IMPLANTATION DE CrAPONNE.

 Lieu : Espace culturel Eole.

Jour : Mardi.

Horaires : de 14h00 à 16h00.

 

Conférences : 

7 octobre 2014 - Territoires et espaces : présentation générale du continent.

4 novembre 2014 - Populations et cultures (1/2).

 

6 janvier 2015 - Populations et cultures (2/2).

 

3 février 2015 - Pouvoirs et sociétés (1/2).

 

24 février 2015 - Pouvoirs et sociétés (2/2).

 

24 mars 2015 - L’Asie dans la mondialisation (1/2).

 

7 avril 2015 - L’Asie dans la mondialisation (1/2).

 

19 mai 2015 - Enjeux et perspectives.

 

4- LE JAPON DEPUIS LA CATASTROPHE DE FUKUSHIMA

 

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Au même titre que le 1er septembre 1923 – le grand tremblement de terre de Tokyo – ou plus récemment le 17 janvier 1995 – le séisme de Kobe -, la date du 11 mars 2011 restera à n’en pas douter un moment très important de l’histoire du Japon, touché par un séisme d’une magnitude de 8.9, doublé d’un tsunami dévastateur qui s’est abattu sur les côtes du nord-est avec une violence inouïe. Parmi toutes les questions de fond que pose la catastrophe du 11 mars, il y a bien sûr celle du nucléaire, question pour le moins sensible depuis 1945 dans un pays très dépendant sur le plan énergétique et où la gestion du risque fait polémique. Le bilan des victimes est extrêmement lourd, et il est encore délicat de prendre la mesure exacte des conséquences économiques que la catastrophe va provoquer au Japon. Mais ce qui est certain, c’est qu’il y aura un « après 11 mars », comme il y a eu un « après-guerre » au cours duquel les Japonais ont rassemblé leurs efforts pour faire renaître leur pays.

 

Implantation DE MIRIBEL.

Lieu : Centre socio-culturel, Salle du Conseil municipal, 17 rue Joseph Carre.

Jour : Lundi.

Horaires : de 14h00 à 16h00.

 

Conférences : 

13 octobre 2014 - Un bilan dramatique, et de nombreuses interrogations.

3 novembre 2014 - Contraintes et violence de la nature : approche géographique et historique.

 

26 janvier 2015 - Combattre la nature, ou vivre en harmonie avec elle ?

 

9 mars 2015 - La nation face à la crise : aspects sociaux et politiques.

 

23 mars 2015 - Le nucléaire japonais : débats et enjeux.

 

04 mai 2015 - La catastrophe vue du Japon.

 

18 mai 2015 - Le temps de la reconstruction.

 

1er juin 2015 - Bilan et conséquences.


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14 mars 2013 4 14 /03 /mars /2013 14:18

Par Francis Deron (1953-2009), avec Bruno Philip

Lemonde.fr, 14 mars 2013.

 

1847978 5 a2c0 ieng-sary-devant-les-cetc-le-30-juin-2011 0eIeng Sary, l'homme le plus célèbre aux côtés de Pol Pot à la tête des Khmers rouges pendant et après leur meurtrier passage au pouvoir au Cambodge (1975-1979), est mort le 14 mars 2013 à Phnom Penh, après avoir souffert de problèmes de santé divers et de troubles cardiaques. Il était inculpé pour "crimes contre l'humanité" par le Tribunal spécial Khmers rouges à composante internationale en charge de l'instruction des responsables encore en vie du génocide cambodgien.

Son âge se situait entre 87 et 93 ans, les incertitudes d'état-civil ne permettant pas d'être plus précis.

Ieng Sary était le beau-frère de Pol Pot, mort en 1998, et, lors du drame cambodgien, fut le chef de la "diplomatie" du Kampuchéa démocratique, à la tête du ministère des affaires étrangères d'un régime coupé de la quasi-totalité du reste du monde. Il était alors surtout l'homme de Pékin et le fidèle rouage de la politique étrangère chinoise auprès de ses chefs.

Il fut en particulier responsable de l'appel lancé aux Cambodgiens de la diaspora, réfugiés en Occident et en Chine après avoir fui les bombardements américains sur leur pays, pour qu'ils rentrent dans un Cambodge "libéré" après la victoire communiste d'avril 1975. La plupart de ces personnes de "retour de l'étranger" finirent assassinées dans des camps de travaux forcés ou sous la torture.

ETUDIANT AU LYCÉE CONDORCET ET À SCIENCES PO 

Né sous le nom de Kim Trang d'un père khmer et d'une mère chinoise dans une localité du delta du Mékong passée depuis sous souveraineté vietnamienne, Ieng Sary n'a cessé de mentir sur son âge à la faveur d'un état-civil incertain. Il semble être né en 1922. Un passeport officiel chinois truqué, établi en 1979 pour lui permettre de circuler en Occident sous le faux nom de Su Hao, le faisait naître en 1930 à Pékin.

1847972 3 640a avec-mao-zedong-en-1970-au-second-plan-pol 8A la mort de son père, il aurait adopté le nom de famille de son tuteur d'adoption, un bonze bouddhiste. Par cette filière, il parvient à suivre des études secondaires au lycée Sisowath à Phnom Penh et obtient, en 1950, une bourse pour les poursuivre à Paris, au lycée Condorcet puis à l'Institut d'études politiques de la rue des Saint-Pères. Il est déjà marqué agitateur de par son appartenance, depuis 1946, à un groupe lycéen intitulé "Libération du Cambodge du colonialisme français".

Il fréquente très tôt le Parti communiste français dont il serait devenu membre en 1951, et participe à la fondation du Cercle des étudiants marxistes du Cambodge au sein duquel il rejoint en particulier Saloth Sar, plus tard connu sous le nom de Pol Pot. Celui-ci est fiancé à Khieu Ponnary, une jeune fille de la haute société cambodgienne qui étudie la linguistique, et Ieng Sary va épouser la sour cadette de cette dernière, Khieu Thirith, brillante étudiante de littérature anglaise spécialisée sur Shakespeare.

Le mariage est célébré à l'été 1951 à la mairie du XVe arrondissement et Thirith devient pour la vie Ieng Thirith. Certains récits affirment qu'un témoin de marque du mariage était l'avocat français Jacques Vergès, ami des futurs Khmers rouges (qui revendique son amitié d'alors avec les futurs maîtres du Cambodge). Ieng Thirith était par la suite devenue la ministre des affaires sociales du régime Khmer rouge. L'une des quatre accusées du procès en cours, elle a été libérée en septembre 2012 après avoir été reconnue atteinte de démence sénile.

"FRÈRE NUMÉRO TROIS"

Revenu au pays en 1957, Ieng Sary devient professeur d'histoire au lycée Sisowath, à Phnom Penh, mais entretient des relations de plus en plus étroites avec les germes de l'insurrection communiste dont son beau-frère prendra la tête après avoir éliminé quelques rivaux. Les deux couples (Saloth Sar et Ponnary ont célébré leur mariage à leur retour au pays) ne se quittent guère plus. Hormis lorsque Ieng Sary est dépêché à Pékin, après le putsch du maréchal Lon Nol (1970), pour y chaperonner pour le compte de son beau-frère, passé à la guérilla active, l'ex-chef du régime renversé, le prince Norodom Sihanouk, désormais allié des Khmers rouges contre "l'impérialisme américain".

1847974 3 3142 ieng-sary-inspecte-une-voie-de-chemin-de-ferSihanouk ne se cachera jamais d'une grande aversion pour ce personnage effectivement peu amène, aux manières doucereuses et au regard tout sauf franc.

Alors que leur victoire est proche, Ieng Sary est devenu le "frère numéro trois" d'une hiérarchie secrète dans laquelle son beau-frère est le mystérieux "numéro un" et qui ne reconnaîtra au grand jour sa nature communiste que plusieurs mois après que la capitale Phnom Penh fut tombée entre leurs mains, le 17 avril 1975. Ieng Sary abandonne alors aussi son autre nom de guerre, "Van", pour sceller des relations de plus en plus étroites avec une direction chinoise dont il méconnait les dissensions en cette fin du règne de Mao Zedong.

PIVOT ET PORTEUR DE CHÈQUES

Toutefois, après le coup d'Etat interne chinois qui élimine l'aile radicale des proches de Jiang Qing, la veuve de Mao, il parvient à négocier un virage politique en épingle à cheveux pour obtenir de Deng Xiaoping un curieux satisfecit : le Kampuchéa démocratique, dira celui-ci, réalise des prouesses dans la création "d'une société sans classe". La Chine ne reviendra que tardivement sur ce jugement au fur et à mesure qu'émergeront les révélations sur les 1,7 à 2 millions de morts survenues au Cambodge dans le bref temps de cette "révolution".

Ieng Sary continuera de jouer, après la défaite de 1979 devant l'armée vietnamienne, ce rôle de pivot et porteur de chèques entre Pékin et les alliés de la Chine dans la crise, Bangkok en particulier, pour les combattants khmers rouges. On le verra miraculeusement reconverti au bouddhisme, dans les années 1980, sur la frontière khméro-thaïlandaise, quand l'heure est à tenter de redorer le blason des insurgés pour l'étranger.

1847976 3 baf7 en-1996-ieng-sary-a-droite-negocie-la 17f908L'affaire lui semblant compromise lorsque la paix est ramenée par les Nations unies, après les accords internationaux de 1991, il négocie avec le régime cambodgien sa reddition, à la tête d'unités khmers rouges repenties, en échange de sa sécurité personnelle à la faveur d'un pardon royal octroyé, en1996, par un Norodom Sihanouk revenu sur le trône. Il ne cessera plus alors de charger son beau-frère et quelques militaires Khmers rouges de l'entière responsabilité des massacres des années 1970.

Ieng Sary et Ieng Thirith comptaient couler de vieux jours paisibles dans leur demeure cossue de Phnom Penh, une fois construite leur pagode funéraire dans l'enceinte du temple voisin, grâce aux fonds recueillis dans le trafic des pierres précieuses et bois exotiques de la région de Pailin, un ancien fief khmer rouge près de la frontière thaïlandaise.

Jusqu'au jour de fin 2007 où leur fut signifiée la mise en accusation des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) et leur arrestation pour "crimes contre l'humanité", et où il apparut que le "pardon" royal n'était pas une grâce, et n'avait plus cours. Vieilli et de faible santé, Ieng Sary ne semble pas avoir achevé la rédaction de mémoires pour lesquelles il passait pour avoir touché une substantielle avance d'un éditeur non identifié. Après son arrestation en 2007, il avait déclaré vouloir "savoir la vérité sur la période sombre de notre histoire", exigeant qu'on lui fournisse des preuves de sa culpabilité dans le génocide. Il aurait peu parlé durant les auditions, profitant du droit accordé aux prévenus de rester silencieux.

Après la mort de Ieng Sary, il ne reste que deux accusés devant le tribunal international de Phnom Penh, parmi les quatre plus hauts dirigeants du régime khmer rouge poursuivis au départ : Nuon Chea, 86 ans, le "frère numéro deux" et Khieu Samphan, 81 ans, ancien chef de l'Etat. Tous deux affirment n'avoir joué aucun rôle dans les atrocités commises.

 

http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2013/03/14/cambodge-mort-de-ieng-sary-le-frere-numero-trois-du-kampuchea-democratique_1847968_3216.html

 

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15 octobre 2012 1 15 /10 /octobre /2012 13:40

Le Monde.fr | 15.10.2012

En 1941, il est monté sur le trône. Il a abdiqué en 1955, a été illégalement destitué en 1970, a été prisonnier des Khmers rouges de 1975 à 1979 à Phnom Penh. Il est revenu au Cambodge en novembre 1991 et remonté sur son trône deux années plus tard avant d'abdiquer en 2004 en faveur de son fils Sihamoni, invoquant son âge et sa santé. Quel homme d'Etat, au XX° siècle, a occupé si longtemps, et avec des fortunes si diverses, le devant de la scène ? Norodom Sihanouk. "Insubmersible", a résumé d'un mot un ancien diplomate français, grand expert de la région. "Incoulable", avait jugé l'intéressé lui-même quelques années auparavant. Un personnage hors du commun, déroutant, oscillant entre le sourire figé accompagné de courbettes et le monologue sans fin débité sur un ton aigu. L'ex-roi du Cambodge est mort, lundi matin 15 octobre en Chine, où il se rendait régulièrement pour y suivre des traitements médicaux après avoir souffert entre autres d'un cancer, de diabète et d'hypertension.

1775308 3 eaa1 norodom-sihanouk-se-rendait-regulierement-enLongtemps tout rond, aux décisions si surprenantes qu'on n'a jamais vraiment su si elles tenaient de la suprême habileté ou du caprice, de la manoeuvre réfléchie ou de l'envie d'envoyer tout promener. Sihanouk a si souvent annoncé sa retraite ou son abdication que personne n'y croyait plus, même ceux qui se souvenaient qu'en 1953 déjà, lorsqu'il était sur le trône, il s'était retiré en Thaïlande, puis à Angkor parce que les Français tardaient trop à accorder à son Cambodge une indépendance complète qu'il obtiendra en 1953, un an avant les autres.

Il en a lassé plus d'un avec son obstination, ses découragements, réels ou imaginaires, et son profil de dieu-roi qui l'a placé au sommet de la pyramide sociale, spirituelle et religieuse de la société khmère. Entre deux dithyrambes nationalistes, entre quatre rendez-vous à Paris, à New-York, à Pékin ou à Pyongyang, l'homme n'a jamais oublié qu'il était roi, même s'il a abdiqué en 1955 en faveur de son père afin de plonger dans l'arène politique.

En attendant qu'un site royal prenne le relais sur la Toile, ses "bulletins" mensuels ont publié des revues de presse annotées de sa main, des entretiens dont il rédige apparemment questions et réponses, les recettes de cuisine de sa tante, ses propres poèmes et compositions médicales. Il a également été metteur en scène et directeur de films.

Prince ou roi, il s'est lui-même défini avec ironie, dans ses réponses à ses détracteurs, comme "changeant". Il n'entend rien aux problèmes d'intendance, ignorant ce qu'est un compte en banque, ce qui explique sans doute sa grande tolérance à l'égard d'une cour dont les excès lui font du tort. C'est, en revanche, un manipulateur-né, jouant les uns contre les autres, ne serait-ce que pour élargir sa marge de manoeuvre.

1775310 3 9347 norodom-sihanouk-en-1952 f468cee968327e5578f"Excellent tacticien, piètre stratège", jugera sévèrement Pham Xuân Ân, l'ancien maître espion communiste dans le Sud pendant la guerre du Vietnam, tout en sachant que ce personnage à l'humour caustique a quatre fils à la patte : une francophilie qui ne se démentira jamais ; une "reconnaissance éternelle" à l'égard de la Chine, son hôte intéressé des moments difficiles; la conscience que le Cambodge doit, en dernier recours, cohabiter avec le Viêtnam, encombrant voisin; et le rejet de sa destitution en 1970, à ses yeux le pire des crimes de lèse-majesté.

Le Cambodge, c'est lui. Il est fasciné par Angkor, grandeur disparue. En avril 1996, lors d'une visite d'Etat – et d'adieux politiques – à Paris, il rappelle qu'il est "le plus gaulliste des gaullistes". En fait, il est surtout gaullien dans son profil de gardien du Cambodge et d'ultime recours à l'issue de deux décennies de bouleversements que son royaume a subi lorsqu'il s'est retrouvé lui-même sans prise sur l'enchaînement des évènements.

En 1941, l'amiral Decoux, gouverneur d'une Indochine française ralliée à Vichy, place sur le trône cet élève du lycée Chasseloup-Laubat de Saigon, un joyeux luron, donc censé être souple. Sihanouk est alors âgé de dix-huit ans. Le jeune monarque est trop intelligent pour ne pas saisir, après la capitulation du Japon, que les temps ont changé. S'il accueille avec plaisir les troupes du général Leclerc, c'est bien parce qu'un autre Cambodgien, San Ngoc Thanh, s'est entre-temps proclamé chef du gouvernement d'un Cambodge indépendant. Il faut d'abord se débarrasser de l'"usurpateur".

GESTIONNAIRE AUTORITAIRE ET PEU CONVAINCANT

Sihanouk entend préserver l'existence de son royaume. S'en donne-t-il les moyens ? Pendant la première guerre d'Indochine, la française, les combats ont bien peu affecté le Cambodge. A Genève, en 1954, Sihanouk impose la neutralité de son pays. Il est l'un des fondateurs du mouvement des non-alignés, l'année suivante à Bandung, aux côtés de Chou Enlai, Nehru, Nasser et Sukarno. Sihanouk acquiert ainsi une stature qui lui permet de contrecarrer les complots ourdis contre lui par les maréchaux de Bangkok ou le régime de Ngô Dinh Diêm à Saigon.

Quand les Américains prennent le relais des Français au Viêtnam du Sud, il se rapproche de Hanoï. Peut-il empêcher Nord-Viêtnamiens et Viêtcôngs d'établir, dans le nord-est cambodgien, les réseaux de la "piste Ho-Chi-Minh" censés contourner les positions américaines au Viêtnam du Sud ? Il refuse de faire du Cambodge un porte-avions militaire américain. Mais devait-il pour autant tolérer vers la fin des années Soixante ce que l'on appellera la "piste Sihanouk", à savoir le ravitaillement par la route, à partir du port de Sihanoukville, des Viêtcôngs ?

Si le soutien du général de Gaulle en 1966, dans un fameux "discours de Phnom Penh" à l'adresse de l'Amérique, le conforte sur le moment, sa marge de manoeuvre s'avère néanmoins de plus en étroite : la guerre américaine menace le Cambodge. Sur le plan intérieur, dans un royaume aux allures provinciales et bien pacifiques, Sihanouk s'est révélé un gestionnaire à la fois autoritaire et peu convaincant. Il se retrouve seul et perd prise sur le gouvernement, en 1967-1968, alors que les Américains cachent de moins en moins leur volonté d'attaquer les installations des communistes vietnamiens en territoire cambodgien.

1775311 3 c909 norodom-sihanouk-a-pris-la-tete-de-la c81d1aEn 1970, il est "destitué" en son absence. De Pékin, où il se réfugie, Sihanouk accorde son patronage à l'insurrection des Khmers rouges, ceux-là mêmes qu'il dénonçait quelques années auparavant. Le pays plonge dans la guerre et, surtout, dans une série de massacres. Cinq ans plus tard, les Khmers rouges occupent Phnom Penh. Ils vident les villes et transforment le Cambodge en un vaste camp de concentration, au prix de près de deux millions de victimes.

Sihanouk revient au Cambodge, avec le titre sans pouvoir de chef d'Etat. Il est enfermé dans son palais, démissionne dès 1976 et ne doit la vie sauve qu'à l'influence de ses amis chinois sur Pol Pot. Quatorze de ses enfants et petits-enfants sont tués par les Khmers rouges. Quand un corps expéditionnaire vietnamien balaie les Khmers rouges, Sihanouk est évacué de Phnom Penh par les Chinois à la veille de la chute de la capitale, le 7 janvier 1979.

Sihanouk se lance alors dans une campagne pour libérer son pays du "joug vietnamien", quitte à faire "alliance avec le diable", ses anciens geôliers khmers rouges qui ont l'appui de Pékin et de Bangkok. Il passe l'essentiel de son temps à Pékin et à Pyongyang. Jusqu'au moment où, en avril 1991, Chinois et Vietnamiens normalisent leurs relations, donnant ainsi le feu vert à un règlement cambodgien.

Signé en octobre de la même année à Paris, cet accord international débouche sur une intervention massive de l'ONU qui organise des élections générales en 1993. Dans la foulée, la monarchie, constitutionnelle, est restaurée. Une coalition gouvernementale, associant une ferveur sihanoukiste déclinante à l'Etat-PPC (Parti du peuple cambodgien, mis en place sous protection vietnamienne), est vite paralysée par des querelles internes. Entre-temps, le mouvement des Khmers rouges se désintègre. Sans point d'appui, Sihanouk se retrouve isolé dans son palais. En outre, il est malade : des problèmes circulatoires et, surtout, un cancer de la prostate dont il se fait opérer, apparemment avec succès, en octobre 1993 à Pékin.

1775312 3 b6ea en-octobre-2009-il-avait-estime-sur-son-siteDepuis son retour en 1991, il cultive une image de monarque bénévole, protecteur des pauvres et des faibles, défenseur des libertés essentielles. Esprit sarcastique, il a l'humour de plus en plus amer quand il distribue les mauvais points. Il se désespère de voir son royaume "nager dans une mer de disgrâces". Quand il ne séjourne pas à Pékin, il ne sort guère de son palais.

La politique le rattrape néanmoins quand il faut un "arbitre" pour sortir le pays de crises post-électorales en 1993, en 1998 et, de nouveau, en 2003. Mais, dès 1994, la partie est perdue, le mouvement royaliste dont il a été le fondateur étant géré de façon inepte par l'un de ses fils. En 2004, il abdique une deuxième fois pour s'assurer, de son vivant, que l'héritier soit son fils cadet, Norodom Sihamoni. Si l'homme n'avait pas survécu à deux décennies de tragédies, et conservé toute sa tête, la monarchie aurait-elle été restaurée en 1993 ? Peut-être que non. Et que deviendra-t-elle après lui ? On n'en sait rien.

 

Jean-Claude Pomonti

 

http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2012/10/15/la-chine-annonce-la-mort-de-l-ex-roi-du-cambodge_1775307_3216.html

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27 septembre 2012 4 27 /09 /septembre /2012 11:51

La Birmanie a longtemps pratiqué une censure drastique des médias. Celle-ci a été abolie officiellement à la fin du mois d'août. Thierry Falise, photojournaliste, a tout de même réussi pendant de longues années à exercer son métier. Il est l’auteur d’un livre, comprenant ses plus beaux clichés, « Burmese Shadows ».

Retrouvez la vidéo en cliquant sur le lien suivant :

http://www.france24.com/fr/20120922-Birmanie-censure-medias-journaliste-photographe-photojournaliste-reportage-auteur-livre-burmese-shadows 

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