27 mai 2016 5 27 /05 /mai /2016 16:09

Le 5 avril 2009 à Prague, le nouveau président américain, Barack Obama, jurait de travailler à cet objectif lointain : « un monde sans armes nucléaires ». Cette promesse, il la formulait, disait-il, en tant que président de « l’unique puissance nucléaire ayant eu recours à l’arme nucléaire ». Ce vendredi 27 mai, le 44e président des Etats-Unis devait se rendre dans la ville même où eut lieu ce premier emploi de la bombe atomique : Hiroshima.

M. Obama est le premier chef de l’exécutif américain à accomplir cette visite. Il brise un tabou. Il ne s’excusera pas. La Maison Blanche s’en tient à une version des faits que contestent nombre d’historiens de la guerre du Pacifique. Elle assure que le recours au feu nucléaire a été décidé par le président Harry Truman pour accélérer une victoire sur le Japon qui, sans cela, aurait encore nécessité de longs mois de combats.

Mais le geste du président américain n’en est pas moins fort. Il honore la mémoire des victimes – 140 000 morts le 6 août 1945 à Hiroshima, 70 000 trois jours plus tard à Nagasaki, sans compter l’agonie de dizaine de milliers d’irradiés condamnés, des décennies durant, à des existences de morts-vivants. Le geste est bien dans la manière de M. Obama : trouver les mots qu’il faut avant de s’efforcer d’agir. Mais c’est là aussi qu’elle atteint ses limites.

Car en matière de lutte contre les armes nucléaires, le bilan du président est pour le moins mitigé. Certes, il a pris l’initiative, heureuse, de relancer la négociation sur le programme nucléaire de l’Iran. L’accord du 14 juillet 2015 n’est pas parfait et s’avère difficile à mettre en œuvre. Mais il arrête la course à l’enrichissement de l’uranium à laquelle se livrait la République islamique. En échange d’une levée progressive des sanctions pesant sur l’Iran, l’accord place son ambitieux programme nucléaire sous un étroit contrôle international. C’est un pas dans la bonne direction.

M. Obama avait commencé son premier mandat en reprenant avec la Russie la tradition des grands accords de désarmement bilatéraux : le 3 avril 2009, il signait avec son homologue russe, Dmitri Medvedev, un traité sur une nouvelle diminution des arsenaux nucléaires stratégiques des deux pays. Seulement celui-ci nécessitait l’aval du Congrès, et notamment d’une partie au moins des élus républicains. Pour l’obtenir, M. Obama a accepté de mettre sur les rails un très substantiel programme de modernisation du stock d’armes nucléaires des Etats-Unis.

Soigneusement préparé par le Pentagone, il court sur trente ans. Il représente un investissement très lourd, destiné à moderniser l’ensemble des vecteurs de la triade nucléaire américaine – terre, air, mer. Il s’agit, ni plus ni moins, de lui conserver un caractère opérationnel et de tester les systèmes de sécurité de l’ensemble de l’arsenal nucléaire. Ce n’est pas vraiment l’esprit du discours de Prague. La Chine et la Russie font de même. Qui prendra un jour le leadership en matière de désarmement substantiel ?

Pour autant, il ne faut pas bouder la force des symboles. Elle compte dans l’imaginaire des peuples. Et ce président venant s’incliner à Hiroshima, ce moment d’humilité et de recueillement, est une façon de donner aux survivants irradiés ce qu’ils ont toujours demandé. Non pas des « excuses », mais que soit reconnu par le reste du monde « le caractère inhumain des armes nucléaires ».

LE MONDE | 27.05.2016

http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2016/05/27/obama-a-hiroshima-mission-a-moitie-accomplie_4927634_3232.html

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