4 décembre 2015 5 04 /12 /décembre /2015 10:31

Jean-François DI MEGLIO - 04/12/2015

La responsabilité délibérément prise par le Président français quant à la dynamique conduisant au meilleur accord possible entre les « parties » impliquées (COP signifie « conference of parties ») aura sûrement un impact sur le résultat attendu le 11 (ou le 12 décembre). Rarement aura-t-on en effet vu chef d’Etat de pays « hôte » (la France ouvre avec la COP21 une année de présidence des conférences climatiques) s’engager autant, depuis le voyage aux Philippines, jusqu’à celui de début novembre, vers la Chine et la Corée.

Le plus gros pollueur

Cet engagement a été particulièrement fort vis-à-vis de l’Asie, qui est naturellement le lieu de tous les enjeux pour l’accord, de toutes les menaces pour le climat et de toutes les contradictions. Continent le plus peuplé, où se trouve le plus gros « pollueur », la Chine, c’est naturellement celui où les questions de développement futur et de risque climatique (pour les Philippines, les autres pays insulaires et tous ceux qui sont exposés aux typhons) sont parmi les plus critiques.

La très grande nouveauté des approches cette fois réside dans la position de la Chine, l’un des animateurs historiques du groupe des 77, qui rassemble les pays en développement réclamant à la fois des compensations pour financer leur adaptation et leur rôle dans l'« atténuation » du changement climatique. Ces mêmes « 77 » ont failli faire de la réunion de Bonn, dernière échéance avant la COP, qui s’est tenue début novembre, une menace pour un accord final à Paris : en effet, à la toute fin d’un sommet pourtant bien préparé et balisé par une approche où on n’imposait plus d’« en haut » des contraintes mais où on laissait la place à l’initiative venue des pays individuels, l’accord n’a pu être trouvé que par l’allongement des débats permettant de sortir de l’impasse.

Quant à la Chine, depuis le sommet de l’APEC (Coopération économique pour l'Asie-Pacifique) en 2014 où elle a dévoilé ses propres engagements, en duo avec les Etats-Unis, jusqu’aux dernières annonces faites lors du voyage de François Hollande, elle a démontré qu’elle s’engageait, pour son propre bénéfice aussi, dans un processus vertueux des limitations des émissions, et surtout qu’elle lancerait en 2017 un marché des certificats d’émission au plan national, après les expériences régionales déjà en cours.

Mais après le voyage présidentiel de novembre, la Chine a aussi indiqué (sous réserve naturellement des négociations de dernière minute à la fin de la COP) qu’elle était arrivée au bout de ses engagements possibles, concernant ses propres échéances d’émissions maximales (en 2030) et sa contribution au fonds qui doit être abondé à hauteur de 100 milliards de dollars par an par les pays participants. Elle s’est d’une certaine façon ainsi désolidarisée de l’Inde, toujours très désireuse de ne pas voir ses perspectives de développement entravées, maintenant que son taux de croissance a dépassé celui de la Chine.

Washington contre la contrainte

Ainsi dans un contexte où les Etats-Unis, dont on pouvait espérer que leur engagement serait désormais moteur pour un accord, viennent d’annoncer que les tendances dégagées à Paris ne seraient pas « contraignantes » (le terme de « non-binding » a été prononcé), il y a pour les pays asiatiques un formidable enjeu de responsabilité et de possible cohésion constructive. Sur le modèle de ce qui a été esquissé entre la France et la Chine (revue tous les cinq ans des perspectives d’émissions permettant de se rapprocher de l’infrangible valeur de deux degrés d’augmentation des températures), l’Asie pourrait jouer le jeu.

Malgré ses innombrables contradictions internes, la Chine pourrait bien finir par enclencher, puis réussir, sa transition énergétique. En l’occurrence, son propre intérêt (la priorité pour elle naturellement et elle n’est pas la seule dans ce cas) et l’intérêt de ses dirigeants vont dans ce sens. Il y a certainement du chemin pratique à parcourir, mais l’utilisation de plus en plus massive du gaz est un bon support par exemple pour un engagement de la Chine à « décarboner ». Par ailleurs, malgré le refus de regards extérieurs-sanctions sur ses actions, l’engagement de la Chine pour l’ouverture d’un marché domestique des crédits carbone est aussi un bon signe.

Le fait que l’Asie joue le jeu constituerait un nouveau départ, porteur de plus d’espoir que la perspective actuelle d’un accord bien rédigé mais n’engageant personne. Un tel accord non contraignant ferait de Paris assurément un tournant vers un meilleur consensus, mais n’assurerait pas le rôle historique assigné par tous et créé par les attentes installées de longue date, augmentées par les phénomène d’empathie dont bénéficie la France frappée par les attentats, et facilitées par le fait que le rôle des chefs d’Etat, désormais « ouvreurs » de la Conférence et non pas présents à la conclusion (comme à Copenhague, ce qui avait été l’une des raisons de l’échec) a basculé du côté protocolaire. Malgré l’absence de nombreuses d’ONG du fait des mesures de sécurité, c’est peut-être dans la technicité de la négociation que l’espoir peut résider.

http://www.alterecoplus.fr/lasie-prete-pour-un-nouveau-depart-201512041200-00002661.html

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